Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/199

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Messer Jacopo, frère des Servi, avait relevé une femme d’un vœu, sous la Condition qu’elle ferait faire une Madone au-dessus et à l’extérieur de la porte latérale de la Nunziata, qui conduit au cloître Jacopo alla trouver Andrea et lui dit que la somme affectée à cette destination n’était pas forte, mais que, néanmoins, il lui paraissait juste que cet ouvrage fût exécuté par lui, Andrea, qui s’était acquis tant de réputation par ses travaux dans ce même lieu. Andrea, bonne et douce personne, se laissant entraîner par les insinuations du religieux et par l’amour de la gloire, répondit qu’il s’en chargerait volontiers ; bientôt après il se mit à l’œuvre et représenta la Vierge assise, avec l’Enfant Jésus à son cou et un saint Joseph appuyé sur un sac et les yeux fixés sur un livre ouvert. Cette fresque[1], par la pureté du dessin, la grâce du coloris et la vigueur du relief, montre qu’Andrea avait de beaucoup surpassé tous les peintres qui avaient travaillé avant cette époque.

Pour achever la décoration de la cour dello Scalzo, il ne manquait plus qu’un compartiment à remplir ; Andrea, qui avait agrandi sa manière en voyant les statues que Michel-Ange avait, en partie commencées et en partie finies, pour la sacristie de San Lorenzo, mit la main à cette dernière peinture et représenta la Naissance de saint Jean-Baptiste. Cette fresque, infiniment supérieure en beauté et en relief à celles qu’il avait déjà faites dans le même endroit, est la plus haute expression de sa nouvelle manière. Dans cette œuvre, entre d’autres belles figures, il y en a une qui représente une femme portant le nouveau-né à sainte Élisabeth, couchée sur un lit ; de Zacharie, qui écrit le nom de son fils sur un papier posé sur son genou, on peut dire qu’il ne lui manque que le souffle. Aussi belle est une vieille, assise sur un escabeau, laquelle rit avec malice en songeant à la maternité tardive d’Élisabeth ; son attitude, son air sont aussi vrais que la nature même. Après avoir terminé cette œuvre, qui est certainement digne de tout éloge, Andrea peignit, pour le général du couvent de Vallombrosa, un tableau renfermant quatre belles figures de saints : saint Jean-Baptiste, San Giovanni Gualberto, fondateur de cet ordre, saint Michel et saint Bernard, cardinal et religieux de l’ordre, avec quelques petits anges qu’on ne saurait imaginer plus vivants ni plus beaux. Ce tableau[2] est à Vallombrosa, dans une chapelle située sur le sommet d’un rocher où certains moines, séparés de leurs frères, vivent presque en ermites,

  1. Appelée la Madonna del Sacco, datée 1525. Cette même année, il est cité dans le vieux Livre des Peintres, de la manière suivante : Andrea d’Agnolo del Sarto, dipintore, 1525.
  2. Actuellement à l’Académie des Beaux-Arts, daté 1528.