Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/20

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refusé par les habitants à Laurent qui voulait le transporter à Florence. Il dessina dans un beau style ce tombeau[1], et Laurent le fit élever sur ce dessin, comme on l’a dit autre part, d’une façon belle et coûteuse. Arrivé à Rome, Filippo peignit, pour le cardinal Caraffa, une chapelle dans l’église de la Minerva[2] ; il y représenta différentes scènes de la vie de saint Thomas d’Aquin et quelques sujets poétiques, très ingénieusement trouvés, l’inspiration lui ayant toujours été propice. On y voit la Foi faisant prisonnière l’Infidélité, ainsi que les hérétiques et les non croyants. De même que le Désespoir est sous l’Espérance, de même d’autres Vertus subjuguent les Vices qui leur sont contraires. Dans la Discussion, saint Thomas, assis dans une chaire, défend l’Église contre une troupe d’hérétiques ; à ses pieds se tiennent, vaincus Sabellius, Arius, Averrhoès et autres, revêtus de charmants costumes. On voit encore saint Thomas priant, lorsque le Crucifix lui dit : Bene scriptisti de me, Thoma ; le compagnon du saint reste saisi de stupéfaction et presque hors de lui en entendant le Crucifix parler ainsi. Le tableau[3] de l’autel représente l’Annonciation, et, sur le revers, l’Assomption de la Vierge et les douze Apôtres entourant son tombeau. Cette œuvre est regardée comme excellente et comme un parfait travail à fresque. Il y représenta au naturel Olivieri Caraffa, cardinal et évêque d’Ostie, dont le corps fut déposé dans cette chapelle, l’an 1511[4], et ensuite transporté dans l’évêché de Naples.

De retour à Florence, Filippo se chargea de faire, tout à son aise, la chapelle de Filippo Strozzi l’ancien, à Santa Maria Novella[5] et la commença. Lorsqu’il eut terminé la voûte, il fut obligé de retourner à Rome où il fit, en stuc, le tombeau du cardinal Olivieri et la décoration d’une petite chapelle de la même église en bas-reliefs de plâtre et avec des statues, travail qui lui fut payé 2.000 ducats d’or, sans compter les couleurs d’outremer et les gages des apprentis. Dès qu’il eut touché cette somme, Filippo revint à Florence, où il termina la chapelle Strozzi. Elle fut exécutée avec tant d’art et de dessin qu’elle remplit d’admiration quiconque la voit, à cause de la nouveauté et de la variété des originalités qui y sont. Dans la Résurrection de Drusiana par saint Jean l’évangéliste[6], on voit, admirablement rendu,

  1. Qui existe encore.
  2. Ces peintures existent encore en partie. 1489.
  3. En place.
  4. Mort le 20 janvier 1551, à 80 ans.
  5. Contrat du 21 avril 1487. Ces fresques existent encore ; terminées en 1502.
  6. Signée : A. S. MCCCCCII. PHILIPPINUS DE LIPPIS FACIEBAT.