Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/204

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Dans les derniers temps de sa vie, Andrea étant très intimement lié avec les directeurs de la Compagnia di San Bastiano[1], qui est derrière les Servi, il leur fit un saint Sébastien à mi-corps[2], d’une telle beauté qu’il parut bien que c’étaient les derniers coups de pinceau qu’il avait à donner.

Le siège de Florence terminé, Andrea attendait toujours que les choses s’arrangeassent, bien qu’il eût peu d’espoir d’être jamais rappelé par le roi de France, Giovambattista della Palla ayant été mis en prison, quand Florence, après la capitulation, se remplit de vivres et de soldats. Parmi ceux-ci se trouvaient des lansquenets malades de la peste, qui épouvantèrent la ville et la laissèrent ensuite infectée. Soit qu’Andréa en eût été atteint, soit qu’il eût mangé avec excès, après avoir beaucoup souffert de la disette pendant le siège, toujours est-il qu’un jour il tomba gravement malade. Il se mit au lit sans savoir quel remède apporter à son mal et sans être bien soigné, sa femme se tenant le plus loin de lui qu’elle put, par crainte de la peste. On dit qu’il mourut[3] ainsi, sans que presque personne s’en aperçût. Les membres de la Compagnia dello Scalzo déposèrent, sans aucun apparat, son corps dans leur sépulture ordinaire de l’église des Servi, qui est située non loin de la maison qu’il habitait. Sa mort fut une perte immense pour les arts et pour sa patrie, car il n’avait que quarante-deux ans, et jusqu’à son dernier jour, il ne cessa de marcher de progrès en progrès, de sorte que plus il aurait vécu, plus il aurait élargi les limites de l’art.

Il n’y a pas de doute que, s’il se fût fixé à Rome, lorsqu’il y alla pour voir les restes de l’antiquité et les ouvrages de Raphaël et de Michel-Ange, il aurait donné à ses compositions plus de richesse et de grandeur, et serait arrivé un jour à plus de finesse et de force dans ses figures, ce qui n’est arrivé effectivement qu’à ceux qui sont restés quelque temps à Rome, à étudier les œuvres précitées et à les considérer attentivement. Il avait, de nature, une manière si douce et si gracieuse dans le dessin, un coloris si chaud et si facile, aussi bien dans la fresque que dans la peinture à l’huile, que, s’il avait séjourné dans cette ville, il aurait surpassé tous les artistes de son temps. Quelques-uns croient que l’abondance des sculptures et des peintures anciennes et modernes qu’il rencontra à Rome et que la vue de tous ces élèves de

  1. Le 2 février 1529, il est inscrit membre de la Compagnie.
  2. Tableau perdu.
  3. Le 22 janvier 1531. [Livre de la Compagnie de saint Sébastien, aux Archives de Florence.]