Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Raphaël qui dessinaient avec un aplomb et une hardiesse qui lui ôtaient, à lui, si timide, tout espoir de les surpasser, furent cause qu’il s’effraya et trouva meilleur de retourner à Florence. C’est là qu’en méditant, peu à peu, sur ce qu’il avait vu, il perfectionna son talent au point que ses ouvrages sont très estimés et très admirés, et qu’en outre il eut plus d’imitateurs après sa mort que pendant sa vie. Les personnes qui ont de ses tableaux les conservent précieusement et celles qui en possédaient, et qui ont voulu les vendre, en ont tiré trois fois plus qu’elles ne les avaient achetés ; attendu qu’il eut toujours un prix médiocre de ses œuvres, tant à cause de sa timidité naturelle que parce que certains sculpteurs sur bois, qui exécutaient les plus beaux ameublements des maisons des citoyens, ne lui faisaient jamais faire aucune commande, pour servir leurs amis, sauf lorsqu’ils le savaient tout à fait dans le besoin, et alors il se contentait du moindre salaire. Mais cela n’empêche pas que ses productions ne soient très précieuses et à bon droit estimées, car il fut un des plus grands et meilleurs maîtres que nous ayons eus jusqu’à présent.

Quand il dessinait des objets d’après nature, pour les mettre en œuvre il faisait des esquisses à peine ébauchées, car il lui suffisait de voir le mouvement général ; ensuite, quand il voulait les reproduire, il les conduisait à perfection). Ainsi les dessins lui servaient plutôt pour garder le souvenir de ce qu’il avait vu, que pour ; copier ensuite ses peintures d’après eux. Il eut quantité de disciples, mais tous ne firent pas le même apprentissage sous lui, quelques-uns restèrent peu et d’autres longtemps, non à cause de lui mais par la faute de sa femme qui, sans égard pour aucun, leur commandait impérieusement et ne les laissait pas en repos. Après sa mort, les dessins d’Andrea et tout ce qui touchait son art parvinrent par héritage entre les mains de Domenico Conti, qui fit peu de profit dans la peinture, et à qui une nuit, tous les dessins, les cartons et ce qui lui provenait d’Andrea, furent volés, sans qu’on ait jamais su par qui, mais on soupçonna que ce fut un artiste. Ne voulant pas se montrer ingrat, après de tels bienfaits reçus de son maître et désireux de lui donner, après sa mort les honneurs qu’il mérita, il fit en sorte que courtoisement Raffaello da Montelupo lui fit une table en marbre très ornée, qui fut encastrée dans un pilastre de l’église des Servi, avec une épitaphe composée par le savant Messer Pier Vettori.

Quelque temps après, des fabriciens de cette église, plus par ignorance que par haine de sa mémoire, mécontents que cette pierre eût été posée sans leur permission, firent en sorte qu’elle fut enlevée.