Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/207

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d’originalité et de hardiesse. En architecture, il fut excellent et original et quoique pauvre, il fut toujours riche d’esprit et de grandeur d’âme. Ceux qui, dans les difficultés de la peinture, arriveront au rang qu’il tint, seront toujours célèbres, comme le sont ses œuvres qui n’ont pas d’égales pour une certaine bravoure et sont exemptes de cette consomption qu’une infinité de peintres ne peuvent éviter, quand ils veulent faire paraître grandes des œuvres absolument nulles.

Dans sa jeunesse, il dessina d’après le carton de Michel-Ange, mais il ne voulut suivre les leçons que de très peu de maîtres, ayant de certaines opinions sur l’art contraires à leurs manières, comme on peut le voir dans un tabernacle peint à fresque, hors la Porta a San Pier Gattolini de Florence, à Marignolle, qu’il exécuta pour Piero Bartoli, et où il représenta un Christ mort[1]. Au-dessus de la porte de San Sebastiano de Servi, étant encore dépourvu de barbe, il peignit les armes de la famille Pucci, accompagnées de deux figures[2], à l’époque où Lorenzo Pucci fut créé cardinal par le pape Léon X[3] ; il réussit complètement dans cet ouvrage, ce qui étonna d’autant plus les artistes du temps qu’ils s’attendaient à le voir échouer, et ce qui l’encouragea à continuer.

Ayant fait pour Maestro Giacopo, frère des Servi, qui s’occupait de poésie, un tableau renfermant la Vierge et saint Jean l’évangéliste, à mi-corps, il se laissa déterminer par ce religieux à peindre dans la cour du couvent, à côté de la Visitation peinte par Giacopo da Pontormo, une Assomption, dans laquelle on voit un ciel rempli de petits anges nus, qui dansent en couronne autour de la Vierge ; si le coloris de cette œuvre avait eu la maturité qu’il sut y mettre plus tard, elle aurait égalé, voire surpassé les fresques voisines[4].

Le directeur de l’Hôpital de Santa Maria Nuova lui avait commandé[5] un tableau[6] ; le voyant ébauché, cet homme qui n’entendait rien à l’art, prit tous les saints qui y étaient représentés pour autant de démons, car le Rosso avait l’habitude, dans ses ébauches à l’huile, de donner à ses figures un air cruel et désespéré, qu’il adoucissait ensuite peu à peu. Le directeur donc prit la fuite, et refusa le tableau, disant qu’on l’avait trompé. Le Rosso peignit aussi, au-

  1. N’existe plus.
  2. Peinture détruite, qui fut payée cinq écus.
  3. Le 23 septembre 1513.
  4. Existent encore.
  5. Le 30 janvier 1518.
  6. Destiné à être placé à Ognissanti ; c’est une Vierge, actuellement aux Offices.