Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/211

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l’indique, et qui se comportait dans toutes ses actions avec gravité et jugement. Il lui donna aussitôt une pension de quatre cents écus et une maison à Paris, que le Rosso habita peu, car il demeura le plus souvent à Fontainebleau, où il avait un logement et où il vivait en grand seigneur. Il fut bientôt nommé surintendant des bâtiments[1], des peintures et de tous les embellissements du château, et construisit d’abord une galerie au-dessus de la basse-cour, qui ne fut pas voûtée, mais reçut un plafond richement orné. Il fit exécuter ensuite, d’après ses dessins, si l’on m’a dit la vérité, vingt-quatre sujets à fresque tirés, je crois, de l’histoire d’Alexandre le Grand[2]. Aux deux extrémités de cette galerie, on voit deux tableaux à l’huile, dessinés et peints de sa propre main, avec tant de perfection qu’il serait difficile de voir rien de mieux[3] ; dans l’un de ces tableaux, il a représenté Bacchus et Vénus. L’autre tableau renferme un Cupidon, une Vénus et plusieurs belles figures ; mais le Rosso s’appliqua surtout à celle de Cupidon. Le roi, enchanté de ces travaux, le prit en grande affection, et, peu de temps après, lui donna un canonicat de la Sainte-Chapelle de Paris, en y joignant des rentes et d’autres avantages ; aussi le Rosso vivait-il en seigneur comme nous l’avons déjà dit. Il avait à son service un grand nombre de domestiques et de chevaux, tenait table ouverte et se montrait très généreux avec tous ses amis et surtout avec ses compatriotes. Il peignit encore une autre salle, appelée le Pavillon, où il mit de riches ornements de stuc, des figures en ronde-bosse, des festons et toutes sortes d’animaux. Il y peignit aussi ci fresque toutes les divinités antiques, qu’il représenta assises. Enfin, dans plusieurs autres salles, il exécuta également quantité de peintures et d’ouvrages en stuc, très remarquables, dont une partie a été gravée[4]. Il donna aussi des dessins d’orfèvrerie qu’il serait trop long de détailler ; qu’il suffise de dire qu’il composa un buffet complet pour le roi, et des caparaçons pour couvrir les chevaux de la cour dans les mascarades, les fêtes et les triomphes. L’an 1540, lorsque l’empereur Charles-Quint vint en France, se fiant à la bonne foi du roi, le Rosso et le Primaticcio de Bologne furent chargés de la conduite de toutes les décorations qu’or-

  1. En 1535. Son nom disparaît des comptes royaux en 1540.
  2. Existent encore, mais entièrement repeints, au XIXe siècle, par Abel de Pujol.
  3. Ces deux tableaux sont perdus.
  4. Il reste de lui quelques fresques mythologiques sous le portique de la Porte Dorée (restaurées par Picot, sous le règne de Louis-Philippe) et les treize peintures de la vie de François Ier, dans la galerie du même nom. La salle du Pavillon n’existe plus.