Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/228

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planches contenant des paysans et des paysannes de Flandre qui jouent de la cornemuse, dansent et vendent des poulets ou d’autres produits. Il représenta un dormeur dans une étuve, que Vénus induit en tentation, tandis que l’Amour saute avec des échasses, et que le diable souffle dans l’oreille du dormeur avec un soufflet[1]. Il fit également deux saint Christophe différents[2], portant le Christ enfant ; les cheveux et toutes les autres parties de ces figures sont traités avec un soin incroyable. Après ces œuvres, voyant que la gravure sur cuivre exigeait un temps énorme, et se trouvant pourvu d’une foule de compositions diversement dessinées, il se mit à graver sur bois[3], procédé qui permet à ceux qui ont un meilleur dessin d’en montrer plus largement la perfection. L’an 1510, il publia deux petites estampes de la sorte, l’une représentant la Décollation de saint Jean, et l’autre la Présentation de sa tête à Hérode, assis à table[4], puis un saint Christophe, saint Sixte pape, saint Étienne et saint Laurent[5]. Voyant que ce mode était beaucoup plus facile que la gravure sur cuivre, il fit un saint Grégoire qui chante la messe avec l’assistance d’un diacre et d’un sous-diacre[6]. Et, son talent se développant, il fit dans un grand format, l’an 1510, quatre sujets de la Passion du Christ[7], auxquels il avait l’intention d’en ajouter huit autres. Ceux qu’il exécuta représentent la Cène, l’Arrestation du Christ dans le jardin des Oliviers, sa Descente aux Limbes et sa glorieuse Résurrection. Il peignit aussi à l’huile le second de ces sujets[8] : ce précieux tableau est aujourd’hui à Florence, chez le seigneur Bernadetto de’Medici. Bien que les huit autres sujets de la Passion aient été imprimés avec la signature d’Albert Durer, il ne nous paraît pas vraisemblable qu’ils soient de sa main, car ils sont mauvais, et l’on n’y trouve dans les tètes, les draperies et les accessoires, aucune ressemblance avec sa manière. Il est à croire qu’ils ont été faits après sa mort par des artistes qui se sont peu souciés de nuire à sa renommée, et qui n’ont songé qu’au gain. Et ce qui nous le fait croire, c’est que l’an 1511, il publia toute la vie de la Vierge[9], en vingt feuilles de la même grandeur, avec tant de perfection, qu’il

  1. Gravure appelée l’Oisiveté.
  2. Datés de 1521.
  3. La série de L’Apocalypse, gravée sur bois, fut publiée en 1498.
  4. Datée 1511.
  5. Gravure inconnue.
  6. Datée 1511, elle fut copiée par Marc Antoine.
  7. Série de douze numéros, dite la Grande Passion [l’édition avec texte en 1511].
  8. Tableau perdu.
  9. Publiée d’abord sans texte, ensuite avec texte en 1511 ; Marc Antonio en copia dix-sept numéros.