Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

est impossible de rien voir de mieux pour l’invention, la perspective, l’architecture, les costumes et les têtes de vieillards et de jeunes gens. Certes, si cet homme si rare, si universel, avait eu la Toscane pour patrie, et avait pu étudier les chefs-d’œuvre de Rome, comme nous avons pu le faire, il aurait été le meilleur peintre d’Italie, de même qu’il fut le plus éminent et le plus célèbre qu’aient jamais eu les Flamands.

Dans la même année 1511, continuant à donner libre cours à ses caprices, il grava sur bois, dans la même grandeur, quinze scènes empruntées aux terribles visions que saint Jean évangéliste eut dans l’île de Pathmos, et qu’il décrivit dans son Apocalypse. Sa riche et capricieuse imagination le rendait bien propre à traiter de tels sujets : aussi figura-t-il les divers épisodes de l’Apocalypse[1], leurs animaux et leurs monstres symboliques, avec une si merveilleuse habileté, que ce fut un véritable trait de lumière pour bon nombre de nos artistes qui se sont grandement servis de ses belles et riches inventions.

Albert Durer exécuta encore sur bois un admirable Christ nu, entouré des mystères de la Passion, et pleurant sur nos péchés, en se couvrant la figure des mains ; cette planche, bien que de petites dimensions, est tout à fait remarquable. Depuis, sentant ses facultés s’augmenter, et voyant que ses œuvres étaient très estimées, il fit encore quelques gravures sur cuivre, qui excitèrent un étonnement universel. C’est alors qu’il grava, sur une demi-feuille, la Mélancolie, entourée de tous les instruments qui amènent l’homme et quiconque s’en sert, à être mélancolique[2] ; il est impossible de produire au burin rien de plus fin. On lui doit encore trois petites Madones, très différentes et d’une taille extrêmement fine ; mais la description de toutes ses productions m’entraînerait trop loin. Qu’il suffise donc de savoir, pour le moment, qu’après avoir dessiné et gravé trente-six planches d’une Passion du Christ[3], il s’associa avec Marc Antonio de Bologne pour les publier à Venise, ce qui fut cause que se sont faites tant de choses merveilleuses dans cet art, en Italie, comme nous le dirons plus loin.

Parmi les nombreux disciples que Francesco Francia avait à Bologne, on distingua, comme le plus habile de tous, un jeune homme appelé Marc Antonio[4] ; étant resté de longues années auprès du Francia,

  1. Cette série est de 1498 ; c’est une de ses premières œuvres. 16 feuilles : édition allemande 1498, latine 1511.
  2. Datée 1514.
  3. Série dite la Petite Passion, 37 feuilles, 1511, copiée par Marc Antoine ; il y a une autre série de 16 feuilles.
  4. Raimondi, de son nom de famille.