Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/231

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laissait pas de l’égaler en beaucoup de choses, pour le burin. Parmi beaucoup de grandes et belles planches, les premières sont de 1509 et représentent dans des médaillons un Portement de Croix et un Crucifiement[1]. Il publia ensuite un Samson, un David à cheval, un saint Pierre martyr avec ses bourreaux[2], et un David jouant de la harpe devant le roi Saül. Peu de temps après, Lucas exécuta une grande gravure d’une taille très fine, où l’on voit Virgile exposé dans une corbeille suspendue à une fenêtre[3], ainsi que des figures et des têtes si merveilleuses qu’Albert Durer se creusa la tête pour combattre son rival et publia quelques estampes d’une telle perfection que l’on ne saurait faire mieux. Pour montrer tout son savoir, il fit un Chevalier armé et à cheval[4], représentant la Force humaine, et si bien exécuté qu’on distingue le brillant des armes et de la robe noire du cheval, ce qui est difficile à rendre dans un dessin. Cet homme fort est accompagné de la Mort, tenant un sablier, du diable et d’un chien poilu rendu avec toutes les plus grandes finesses possibles. L’an 1512, parurent de sa main seize petits sujets de la Passion du Christ[5], où l’on admire les figures les plus belles, les plus gracieuses et en même temps les plus vigoureuses que l’on puisse imaginer. Aiguillonné par cette concurrence, Lucas de Hollande grava douze feuilles semblables et fort belles, mais pas aussi parfaites que celles de Dürer, sous le rapport du burin et du dessin. Il fit, en outre, un saint Georges encourageant la jeune fille condamnée à être dévorée par un dragon, Salomon adorant les idoles, le Baptême du Christ, Pyrame et Thisbé, Assuérus et la reine Esther, agenouillée devant lui.

De son côté, Albert Durer, ne voulant pas être surpassé par Lucas[6] ni en quantité, ni en bonté d’œuvres produites, grava une figure nue sur un nuage, et la Tempérance avec des ailes admirables, tenant en main une coupe d’or et une bride ; le paysage de cette planche est très fin[7]. Il exécuta ensuite un saint Eustache agenouillé devant un cerf, dans les cornes duquel apparaît le Crucifix[8], gravure admirable, particulièrement à cause de quelques chiens, dans des attitudes variées,

  1. Cette série de 1509 comprend neuf médaillons. Ce ne sont pas de ses premières œuvres.
  2. Le David et le saint Pierre n’existe pas.
  3. Publiée en 1525.
  4. Planche dite le Cavalier avec la Mort et le Diable, 1513.
  5. Quatorze feuilles datées 1521.
  6. L’histoire de cette rivalité a été inventée par Vasari.
  7. Ces deux planches sont appelées la Grande et la Petite Fortune.
  8. Gravure dite le saint Hubert.