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un très beau chapiteau antique, provenant de Marino, qui est aujourd’hui dans la cour de Saint-Pierre, et sur lequel est figuré une chasse au lion, puis un des bas-reliefs en marbre de l’Arc de Constantin, finalement plusieurs sujets que Raphaël avait dessinés pour la galerie et les loges du Vatican. Ces derniers morceaux furent plus tard gravés de nouveau par Tommaso Barlacchi, en même temps que les sujets des tapisseries du Consistoire.

Jules Romain fit ensuite graver par Marc Antonio vingt planches dont chacune représentait des hommes et des femmes couchés dans les postures les plus obscènes ; ce qui était plus grave, elles étaient accompagnées d’un sonnet analogue à la scène, composé par Messer Pietro Aretino, de sorte que je ne saurais décider lequel était le plus grossier : ou les dessins du peintre pour les yeux, ou les vers du poète pour les oreilles. Cette indignité fut vivement blâmée par Clément VII, et quand elle fut publiée, le pape n’aurait pas manqué de châtier rudement Jules Romain, si celui-ci n’eût été en sûreté à la cour de Mantoue. Ces dessins ayant été trouvés dans des endroits où on ne les aurait jamais soupçonnés, non seulement on les prohiba, mais encore on saisit Marc Antonio et on le jeta en prison[1]. Si le cardinal de Médicis et Baccio Bandinelli, lequel était alors au service du pape, n’eussent obtenu sa grâce, Marc Antonio aurait probablement mal fini. N’est-ce pas, en vérité, un crime que d’employer les dons de Dieu à scandaliser le monde par des œuvres abominables ?

Sorti de prison, Marc Antonio acheva, pour Baccio Bandinelli, une grande planche du Martyre de saint Laurent, qu’il avait commencée avant son arrestation, et pleine de figures nues. Elle fut exécutée avec un soin incroyable, bien que Baccio Bandinelli allât dire au pape, pendant que Marc Antonio y travaillait, qu’il commettait beaucoup d’erreurs. Mais le Bandinelli rapporta toute la honte que méritait son peu de courtoisie, parce que Marc Antonio, instruit de ce qui s’était passé, termina sa planche à l’insu de Baccio, et montra au pape, grand amateur des arts du dessin, le dessin original de Bandinelli et l’estampe qu’il en avait tirée. Le pape reconnut que Marc Antonio, loin d’avoir commis des erreurs, avait corrigé de lourdes balourdises du Bandinelli, et qu’il avait mieux opéré avec le burin que Baccio avec le crayon. Il ne lui épargna pas les éloges et le vit toujours depuis avec plaisir ; on croit même qu’il lui aurait fait beaucoup de bien, mais le sac de Rome étant survenu, Marc Antonio fut réduit presque à la

  1. Ces planches ont été détruites ; on n’en connaît aucun exemplaire.