Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

antique[1]. Après ces œuvres, Jules Romain peignit à fresque, pour Messer Girolamo, organiste du dôme de Mantoue, son intime ami, au-dessus d’une cheminée, un Vulcain qui fait marcher les soufflets d’une main, et de l’autre, tient, au bout des pinces, le fer d’une flèche qu’il fabrique, tandis que Vénus trempe dans un vase d’autres flèches déjà faites et les met dans le carquois de Cupidon. C’est une des belles œuvres qu’il ait peintes[2]. Il fit encore à San Domenico, une Mise au tombeau et un Christ mort dans la maison de Tommaso da Empoli florentin[3]. À cette époque, Jean de Médicis fut blessé d’un coup de mousquet et transporté à Mantoue où il mourut[4]. Messer Pietro Aretino voulut que Jules retraçât les traits de ce seigneur ; en conséquence, celui-ci prit un moulage de la tête du mort, et fit un portrait qui resta longtemps chez Messer Aretino[5].

Mantoue, jadis sale et fangeuse, au point d’être presque inhabitable, devint, grâce à Jules Romain, aussi saine qu’agréable ; elle lui dut la plupart de ses embellissements : chapelles, maisons, jardins, façades. Les digues du Pô s’étant rompues un jour, les quartiers bas de la ville se trouvèrent couverts de quatre brasses d’eau ; les grenouilles y séjournaient à peu près toute l’année. Jules avisa aux moyens de remédier à ces inconvénients, et agit de façon que les eaux reprirent leur cours naturel, et même, pour parer à une nouvelle inondation, il fit élever les rues qui bordent le fleuve, et ordonna la démolition d’une foule de petites habitations, mal bâties et de peu d’importance, pour les remplacer par de grandes et magnifiques maisons, qui devaient contribuer à l’embellissement de la ville. Plusieurs particuliers s’y opposèrent et dirent au duc que Jules, par son projet, leur causait une trop grande perte ; mais le duc ne voulut écouter personne et enjoignit même de ne rien construire, sans l’ordre exprès de Jules. Aux plaintes succédèrent alors des menaces ; mais le duc donna aussitôt à entendre que les injures dont on se rendrait coupable envers son architecte seraient réputées faites à lui-même, et qu’il saurait les punir. Ce prince aimait en effet Jules au point de ne pouvoir se passer de lui, et l’artiste, de son côté, révérait au delà de toute expression son protecteur, qui ne lui refusa jamais aucune faveur, et qui, par ses libéralités,

  1. Il existe deux tableaux identiques de ce sujet : l’un au Musée de Vienne, l’autre chez le marquis Tullo de Mantoue.
  2. Un tableau analogue est au Musée du Louvre, avec deux dessins.
  3. Tableaux perdus.
  4. Le 30 novembre 1526.
  5. Ce portrait est perdu.