Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à venir à Bologne, avec Tofano Lombardino, architecte milanais, très estimé en Lombardie, à cause des nombreuses constructions qu’on y voyait de sa main. Les dessins de Baldassare Peruzzi de Sienne étant perdus, ils en composèrent de nouveaux, et Jules en donna un[1], entre autres, dont la beauté et la magnifique ordonnance lui méritèrent les plus grands éloges et de riches récompenses, lorsqu’il retourna à Mantoue.

Sur ces entrefaites, Antonio da San Gallo étant mort à Rome, les intendants de Saint-Pierre restèrent fort embarrassés, ne sachant à qui s’adresser pour lui donner la tâche de conduire à fin cet immense édifice dans le style commencé. Ils pensèrent enfin que personne n’en était plus capable que Jules Romain, dont ils connaissaient tout le mérite. Persuadés qu’il accepterait plus que volontiers cette charge qui lui donnerait l’occasion de rentrer dans sa patrie avec honneur et une grosse pension, ils le firent sonder par plusieurs de ses amis, mais en vain. Il y serait bien allé, mais deux choses le retenaient : le cardinal s’opposa absolument à son départ, et, d’autre part, sa femme, ses parents et ses amis employèrent tous leurs efforts pour le faire rester. Mais cela n’eût servi de rien si, dans ce temps-là, il se fût trouvé bien portant ; pensant à la gloire et aux avantages qui devaient résulter de ces travaux pour lui et ses enfants, il était entièrement décidé à faire en sorte que le cardinal ne l’empêchât pas d’aller à Rome, lorsque son mal ne fit qu’empirer. Comme il était écrit là-haut qu’il ne retournerait plus à Rome et que son dernier jour était arrivé, accablé par le déplaisir et sa maladie, il mourut en peu de jours, à Mantoue, à l’âge de 54 ans[2]. Il laissait un fils à qui il avait donné le nom de Raphaël, en souvenir de son maître. Ce jeune homme, qui annonçait d’heureuses dispositions pour la peinture, vint à mourir[3], ainsi que sa mère, peu d’années après Jules, dont il ne resta qu’une fille nommée Virginia, qui vit aujourd’hui à Mantoue, où elle s’est mariée avec Ercole Malatesta. Jules Romain, amèrement regretté de tous ceux qui le connurent, fut enseveli dans l’église de San Barnaba. Il était d’une taille moyenne, avait une belle figure, la barbe et les cheveux noirs, les yeux de même couleur, pleins de gaîté et de vivacité. Sobre, aimant à bien se vêtir, il vécut toujours d’une manière honorable. Il mourut l’an 1546, le jour de la Toussaint, et l’on décida de lui élever un hono-


 

  1. Conservé à San Petronio ; signé, daté 1546.
  2. Mort le 1er novembre 1546 (d’après un Nécrologe ancien conservé à Mantoue).
  3. Le 17 mars 1562 (même source). La femme de Jules Romain s’appelait Elena Guazzo Landi ; il l’épousa en 1529, et elle lui apporta 700 ducats de dot.