Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/283

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afin que l’amitié qu’il avait contractée avec lui depuis longtemps fût transformée en parenté.

Le succès obtenu par les fresques que Perino avait jadis exécutées à San Marcello engagea le prieur de ce couvent et les chefs de la Compagnia del Crocefisso à lui confier la décoration d’une chapelle, avec l’espoir qu’il produirait quelque chef-œuvre. Perino établit sans retard ses échafaudages et représenta, au milieu de la voûte, la Création d’Ève. Adam est couché et plongé dans le sommeil, pendant qu’Ève, debout et les mains jointes, reçoit la bénédiction de Dieu, dont l’aspect est plein d’une gravité majestueuse. À droite de ce compartiment, Perino peignit un saint Marc et un saint Jean, mais il n’acheva pas la tête et le bras de ce dernier ; entre ces deux Évangélistes, il plaça deux beaux enfants tenant un candélabre[1]. Fendant qu’il y travaillait, il eut une foule d’empêchements, d’indispositions et d’autres de ces accidents qui nous arrivent journellement, sans compter que la Compagnia manqua, dit-on, d’argent. Les choses durèrent ainsi jusqu’en 1527, époque à laquelle le sac de Rome réduisit quantité d’artistes à la dernière extrémité et causa la ruine d’une foule de chefs-d’œuvre. Perino, accompagné de sa femme et portant sa petite fille, cherchait à échapper à cette épouvantable bagarre, quand il fut malheureusement fait prisonnier ; il fut rançonné si cruellement qu’il pensa en devenir fou. Une fois la tempête apaisée, il était tellement abattu par la peur qu’il avait éprouvée, qu’il ne pensait plus à l’art ; néanmoins, il fit quelques gouaches et diverses fantaisies pour des soldats espagnols, et vécut pauvrement comme les autres.

Seul parmi tant d’autres, le Baviera, qui possédait les planches des estampes d’après Raphaël, n’avait pas perdu beaucoup. Par amitié pour Perino et pour lui venir en aide, il lui fit dessiner une suite d’histoires relatant les Métamorphoses des Dieux, pour suivre leurs amours ; ces sujets furent gravés sur cuivre par Jacopo Caraglio.

Tandis que le sac avait ruiné la ville et chassé ses habitants, même le pape qui s’était réfugié à Orvieto, comme il n’y restait plus personne et qu’il ne s’y faisait plus d’affaires, Niccola Veneziano, excellent brodeur, y vint. Comme il était au service du prince Doria, qui portait une vive amitié à Perino, et qui a toujours voulu du bien aux hommes de talent, il persuada Perino de quitter cette ville désolée et d’aller à Gênes, en lui promettant de lui faire allouer quelque travail important par le

  1. Ces fresques existent encore ; terminées par Daniello da Volterra et Pellegrino da Modena.