Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/304

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adjugèrent celle de Léon à Rafaello da Montelupo, et celle de Clément à Giovanni di Baccio. Toutes ces choses valurent à Baccio plus de honte que d’honneur.

Il avait coutume de mettre des morceaux de rapport à ses statues, comme il le fit pour une des têtes du Cerbère de son Orphée, pour la draperie de son saint Pierre de Santa Maria del Fiore, pour son Cacus et d’autres ouvrages qu’il est inutile de mentionner ici. Les sculpteurs réprouvent d’ordinaire de semblables moyens ; mais Baccio n’y attachait aucune importance. Ayant fait un Adam pour le chœur de la cathédrale, lorsqu’il eut terminé sa statue, il la trouva trop serrée des flancs et défectueuse dans plusieurs autres parties ; aussi en fit-il un Bacchus, que le duc conserva longtemps dans sa chambre, et plaça ensuite dans une niche des appartements d’été du rez-de-chaussée[1]. Pareillement une Ève fut changée en Cérès, et il la donna à la duchesse Leonora avec un Apollon ; ces deux statues[2] servirent à orner la façade du vivier du jardin Pitti. Il espérait que les nouvelles statues d’Adam et d’Ève[3], destinées à la cathédrale, plairaient au public et aux artistes ; mais elles éprouvèrent le même sort que ses premiers ouvrages, et furent amèrement critiquées dans des sonnets et des vers latins. On disait, entre autres choses : « Adam et Ève, par leur désobéissance, méritèrent d’être chassés du paradis terrestre, et leurs statues, opprobre de l’art, méritent d’être chassées de l’église. » Pareille mésaventure lui arriva pour un Christ mort ; après l’avoir considérablement avancé, il l’abandonna, et en fit un autre accompagné d’un ange, mais d’une telle grandeur que le prêtre n’avait plus la place nécessaire pour officier sur l’autel[4]. Il laissa également inachevée la statue du Père éternel, qui est aujourd’hui dans les ateliers dépendant de l’église[5]. Ces revers n’abattirent point Baccio ; il ne tenait aucun compte des critiques et ne cherchait qu’à s’enrichir et à acquérir des propriétés.

À cette époque[6], revint de France Benvenuto Cellini, qui avait été au service du roi François pour l’orfèvrerie, art dans lequel il était le plus habile de son temps ; il avait également coulé en bronze divers morceaux de sculpture pour ce souverain. Le duc Cosme, devant lequel il fut introduit, l’accueillit de la manière la plus gracieuse, et

  1. Actuellement au palais Pitti, vestibule du premier étage.
  2. Actuellement dans le jardin Boboli.
  3. Au Musée National.
  4. Actuellement dans la chapelle Baroncelli, à Santa Croce.
  5. Première cour du couvent de Santa Croce.
  6. En août 1545.