Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/319

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était le Mattacio, celui-ci eut une joie extrême de cette élection, particulièrement parce qu’il avait conservé contre Jules II un vif ressentiment de l’injure qu’il en avait reçue. Pour se faire connaître au nouveau pontife, le Mattacio peignit une Lucrèce nue se poignardant[1] ; ce tableau terminé fut donné par Agostino Chigi au pape qui en récompensa l’auteur en le nommant chevalier. Giovannantonio se crut aussitôt un grand homme et résolut de ne plus travailler que quand la nécessité l’y contraindrait, ce qui, du reste, ne tarda pas à arriver. En effet, notre chevalier sans revenus, avant suivi Agostino Chigi à Sienne, fut forcé d’avoir recours à son pinceau pour vivre. Il fit alors un tableau d’une Déposition de Croix, où l’on remarque la Vierge évanouie et un soldat qui se montre de dos, et dont on voit l’image dans un casque posé à terre et brillant comme un miroir[2] ; cet ouvrage, qui passe avec raison pour l’un des meilleurs qu’ait jamais produits Giovannantonio, fut placé à San Francesco, à main droite en entrant dans l’église. Dans le cloître qui est le long de l’église, il peignit à fresque un Christ à la colonne, flagellé devant Pilate, qu’entoure une foule de Juifs ; on y voit une colonnade en perspective et le portrait du Sodoma qui s’est représenté avec le menton rasé et les cheveux longs, selon la mode du temps[3]. Étant allé ensuite à Florence, un moine des Brandolini, abbé du couvent de Monte Oliveto, qui est hors la Porta San Friano, lui fit peindre quelques fresques dans le réfectoire[4]. Comme il les exécuta sans soin, elles furent si mal réussies qu’elles ne lui attirèrent que de la honte et des moqueries de la part de ceux qui s’attendaient à voir quelque œuvre extraordinaire sortir de ses mains.

Pour la confrérie de San Bastiano in Camollia, à Sienne, il peignit à l’huile, sur un gonfalon de toile qu’on porte dans les processions, un saint Sébastien nu, attaché à un arbre, qui est posé sur la jambe droite et a l’autre en raccourci[5], il lève la tête vers un ange qui lui tend une couronne ; cette œuvre est vraiment belle et digne d’éloges. Sur le revers, on voit la Vierge tenant l’Enfant Jésus, avec au-dessus d’eux saint Roch, saint Sigismond et quelques flagellants agenouillés. Dans la sacristie des religieux del Carmine, il laissa un tableau de la Nativité

  1. Tableau perdu.
  2. Actuellement à l’Institut des Beaux-Arts de Sienne.
  3. De cette fresque, il ne reste que la demi-figure du Christ, actuellement à l’Institut des Beaux-Arts.
  4. Il reste le motif central de la Gène ; le couvent est transformé en hôpital militaire.
  5. Commandé le 5 mai 1525 ; payé 30 ducats d’or ; actuellement aux Offices.