Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/322

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avec raison[1] ; outre la Vierge, le premier des trois Mages et quelques chevaux, qui sont d’une grande beauté, il y a la tête d’un berger placé entre deux arbres, qui paraît vivant. Au-dessus d’une porte de la ville, appelée la Porta di San Viene, il fit à fresque une Nativité du Christ[2], avec quelques anges dans les airs, dans un grand tabernacle ; l’arc renferme un enfant dans un beau raccourci, faisant allusion à l’Incarnation du Verbe. Il se représenta lui-même dans cette peinture, avec une figure barbue déjà vieille, et tenant un pinceau avec lequel il vient de tracer ce mot : Feci.

Dans la chapelle de la commune, qui est sur la place, au bas du palais, il peignit également à fresque la Vierge tenant l’Enfant Jésus à son cou, portée par des anges et entourée de saint Ansano, saint Vettorio, saint Agostino et saint Jacques[3] ; au-dessus, il fit, dans une lunette pyramidale, un Père éternel environné de quelques anges. Dans ces fresques, on voit que Giovannantonio commençait à n’avoir presque plus le goût de son art, ayant perdu ce je ne sais quoi de bon qu’il possédait auparavant et qui imprimait à ses têtes un certain caractère de grâce et de beauté. On peut, du reste, facilement se convaincre de la supériorité de ses premières productions, en examinant le Christ mort, soutenu par la Vierge, fresque qui est au-dessus de la porte du capitaine Lorenzo Mariscotti à la Postierla[4] ; il a une grâce et un caractère de divinité vraiment merveilleux. Pareillement on estime un tableau à l’huile de la Vierge, qu’il peignit pour Messer Enea Savini dalla Costerella ; et une toile qu’il fit pour Assuero Rettori da San Martino qui représente une Lucrèce romaine se frappant, tandis qu’elle est soutenue par son père et son mari. On y voit de belles attitudes et des têtes très gracieuses[5].

Finalement, Giovannantonio voyant que la faveur des Siennois s’était reportée tout entière sur Domenico Beccafumi, et comme il n’avait à Sienne ni rente, ni maison[6], qu’il avait mangé à peu près tout ce qu’il avait gagné, il se sentit vieux, pauvre et désespéré ; il quitta alors Sienne pour s’en aller à Volterra. Par bonheur, il y trouva Messer Lorenzo di Galeotto de’Medici, riche et honorable gentilhomme qui lui offrit un asile, et auprès duquel il se prépara à séjourner longtemps. Mais il s’ennuya bientôt, étant accoutumé à l’indépendance, et alla à

  1. Chapelle Piccolomini, à droite.
  2. Existe encore, en mauvais état.
  3. Existe encore ; commandée le 6 mars 1537 pour soixante écus d’or.
  4. Maison Bambagini.
  5. Œuvres perdues.
  6. Il avait deux maisons, dont une apportée en dot par sa femme.