Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/347

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Sur ces entrefaites[1], le roi Henri II de France, ayant été mortellement blessé dans un tournoi, le seigneur Ruberto Strozzi, envoyé par Catherine de Médicis, régente du royaume, vint à Rome avec mission de s’entendre avec Michel-Ange pour élever un monument à la mémoire du roi. Michel-Ange ne pouvant, à cause de son grand âge, se charger de cette entreprise, conseilla de la confier à Daniello, auquel il promettait de donner aide et conseil, dans la mesure du possible. Strozzi y consentit, et après de mûres réflexions sur le projet auquel on devait s’arrêter, il fut décidé que Daniello exécuterait tout d’un morceau un cheval en bronze, de vingt palmes de hauteur sur quarante palmes de longueur, qui serait surmonté de la statue du roi Henri armé, également en bronze. Daniello, ayant donc fait un modèle en terre, sur les conseils de Michel-Ange, et ce modèle ayant plu au seigneur Ruberto, celui-ci, après en avoir écrit en France, conclut avec lui un traité dans lequel furent stipulés le prix de la statue équestre et l’époque à laquelle elle devait être livrée. Daniello commença par modeler en terre le cheval, et quand il eut terminé son moule, il alla consulter divers fondeurs sur les meilleurs moyens à suivre pour faire réussir à la fonte cette statue. Au bout de quatre années de travail, Il était prêt à la fondre, lorsqu’il fut obligé d’attendre pendant de longs mois les ferrements et le métal que le seigneur Ruberto avait à lui fournir. Ces matériaux étant enfin arrivés, il enterra son moule entre deux fourneaux, dans un atelier qu’il avait à Montecavallo ; le métal coula d’abord parfaitement dans le moule, mais son poids ayant ensuite crevé le corps du cheval, toute la matière prit un autre chemin. Après s’être bien désolé de cet accident, Daniello trouva moyen d’y remédier. Deux mois plus tard, il recommença sa fonte qui, cette fois, réussit à merveille, et vint unie et égale sur tous les points. Il est étonnant que ce cheval, qui est d’un sixième plus grand que celui d’Antonin[2], au Capitole, ne pèse que vingt milliers. Les fatigues et les ennuis que Daniello éprouva pendant ce travail furent tels, qu’étant d’une complexion peu robuste et mélancolique, il lui survint peu après un catarrhe cruel qui, en deux jours, le conduisit au tombeau. Il aurait dû être joyeux, ayant surmonté des difficultés considérables, dans une coulée aussi importante, mais il sembla à tous qu’il ne se réjouirait plus jamais, quelque événement prospère qu’il lui arrivât. Il mourut

  1. Juillet 1559.
  2. Lire : de Marc-Aurèle. Le cheval seul fut exécuté et servit pour une statue équestre de Louis XIII, érigée en 1639 sur la place Royale et détruite en 1793.