Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/346

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arrêté par Mercure, comme on le voit dans l’Eneide. Pour le même, il fit, sur un autre panneau également peint à l’huile, un saint Jean pénitent en grandeur naturelle, qui fut toujours très estimé par ce seigneur pendant sa vie, et même un saint Jérôme, beau à merveille[1].

Lorsque Paul IV eut succédé à Jules III, le cardinal de Carpi insista auprès de Sa Sainteté pour que Daniello fût autorisé à terminer la Salle des Rois ; mais le nouveau pape, fort peu amateur de peinture, répondit qu’il valait mieux fortifier Rome que dépenser de l’argent en couleurs. Et, en effet, on se mit aussitôt à bâtir en travertin la grande porte du château Saint-Ange, d’après les dessins de Sallustio, fils de Baldassare Peruzzi de Sienne. Cette porte, assez semblable à un arc de triomphe, devait être ornée de cinq statues, hautes de quatre brasses et demie, placées dans des niches ; l’une de ces statues, celle de saint Michel[2], fut donnée à faire à Daniello. Il alla à Carrare choisir des marbres pour cette statue et pour d’autres, car il était décidé d’abandonner la peinture pour la sculpture, et en route il s’arrêta quelque temps à Florence, où Vasari le présenta au duc, et où il moula en plâtre presque toutes les statues laissées par Michel-Ange dans la nouvelle sacristie de San Lorenzo. Avant de retourner à Rome, comme il y avait longtemps qu’il n’avait été à Volterra, sa patrie, il s’y rendit et fut bien reçu par ses parents et ses amis qui le prièrent de laisser dans cet endroit quelque souvenir de lui. Il peignit alors un petit tableau du Massacre des Innocents, qui fut trouvé fort beau, et qu’il donna à l’église San Piero[3].

De retour à Rome, il y trouva que le pape Paul IV voulait jeter à terre le Jugement dernier de Michel-Ange, qui lui semblait renfermer des nudités par trop choquantes. Des cardinaux et quelques hommes de goût remontrèrent que ce serait un grand péché de détruire ce chef-d’œuvre, et firent en sorte que Daniello couvrit ces nudités avec de légères draperies. Il termina cette tâche sous le pontificat de Pie IV, en refaisant la sainte Catherine et le saint Blaise qui ne paraissaient pas suffisamment décents[4]. Il commença ensuite le saint Michel du château Saint-Ange, mais sans y travailler avec l’activité qu’il aurait pu et dû y mettre, en homme qui ne faisait qu’aller d’une pensée à l’autre.

  1. Tableaux perdus.
  2. Elle fut placée sur le tombeau de Daniello, sur sa demande. Depuis elle a disparu.
  3. Actuellement aux Offices.
  4. Il en retira le surnom de Il Braghettone, le culottier.