Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/372

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pouvait le faire passer pour son disciple. L’attachement qui survint entre le maître et l’élève fut tel que, dès le début, on n’appela plus Jacopo de’ Tatti, mais bien del Sansovino, nom qu’il conserva toujours. Une étroite amitié d’enfance, qui unissait Andrea del Sarto et Jacopo, leur fut très utile à l’un et à l’autre, parce qu’ils s’entr’aidèrent mutuellement, comme on peut s’en rendre compte par le tableau de San Francesco, peint par Andrea pour les religieuses de la Via Pentolini[1], où il y a un saint Jean évangéliste, copié d’après un beau modèle en terre que Jacopo avait exécuté, en concurrence de Baccio da Montelupo, pour l’Arte di Porta Santa Maria, qui voulait orner d’une statue en bronze, haute de quatre brasses, une niche pratiquée au coin d’Or San Michele, vis-à-vis des Cimatori. Bien que le modèle de Jacopo fût plus beau que celui de Baccio, celui-ci, grâce à sa réputation de vieux maître, obtint la commande ; le modèle de Jacopo appartient aujourd’hui aux héritiers de Nanni Unghero. Sansovino, étant grand ami de Nanni, fit pour lui quelques modèles de grands enfants en terre, et celui d’un saint Nicolas da Tolentino. Toutes ces statues furent ensuite exécutées en bois, grandeur naturelle, avec l’aide du Sansovino, et placées dans la chapelle de ce saint, qui est dans l’église de Santo Spirito.

Cet ouvrage, ainsi que d’autres, avait rendu Jacopo célèbre parmi les artistes de Florence. Comme on le considérait comme un jeune homme de beau génie et d’excellentes manières, Giuliano da San Gallo, architecte du pape Jules II, le conduisit à Rome, à sa grande satisfaction. Comme les antiques du Belvédère lui plurent infiniment, il se mit à les dessiner, et Bramante, architecte du pape, qui tenait le premier rang et habitait le Belvédère, ayant vu de ses dessins, ainsi qu’une statuette nue couchée et en terre, qui tenait un vase destiné à servir d’encrier, le prit tellement en amitié qu’il le chargea, avec l’Espagnol Beruguetta, Zaccheria Zacchi da Volterra et le Vecchio[2] de Bologne, de modeler en cire le groupe de Laocoon, pour le jeter en bronze. Lorsque les modèles furent achevés. Bramante les montra à Raphaël pour savoir quel était celui des quatre qui se comportait le mieux ; Raphaël jugea que Sansovino, malgré sa jeunesse, avait de beaucoup surpassé tous les autres. Le cardinal Domenico Grimani conseilla alors à Bramante de faire jeter en bronze le Laocoon de Jacopo ; le groupe réussit parfaitement à la fonte, et dès qu’il fut réparé, on le remit au cardinal Grimani. Il le conserva aussi précieusement que s’il eût été antique, et le légua,

  1. C’est la Madonna delle Arpie, de 1517, aux Offices.
  2. Domenico Aimo, de son vrai nom.