Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/411

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en bas de son échafaudage. Aussi Michel-Ange, qui craignait et avec raison la colère du pape, activa la fin de son travail, sans perdre de temps, et ; ayant enlevé les échafaudages, il le découvrit, le matin de la Toussaint, jour où le pape alla dans la chapelle célébrer la messe, à la grande satisfaction de toute la cité.

Michel-Ange désirait retoucher quelques parties à sec, comme avaient fait les vieux maîtres, dans les peintures des parois, en rehaussant les vêtements, le fond et les ciels d’outremer et d’ornements en or, pour donner plus de richesse et d’aspect Le pape ayant appris que ces accessoires manquaient, et en ayant entendu dire grand bien par ceux qui les avaient vus, désirait que Michel-Ange les exécutât ; mais, comme il aurait été trop long de refaire l’échafaudage, on en resta là. Le pape, qui voyait souvent Michel-Ange, lui dit un jour : « Enrichis-moi la chapelle de couleurs et d’or, car elle est trop pauvre », et Michel-Ange lui répondit avec familiarité : « Saint Père, dans ce temps-là, les hommes ne portaient pas d’or sur leurs vêtements, et ceux qui sont peints là-haut étaient des saints, et n’avaient aucune richesse, parce qu’ils les méprisaient. » Cette œuvre fut payée à Michel-Ange, en plusieurs fois, par ordre du pape, trois mille écus, et elle en coûta vingt-cinq mille en couleurs. Il éprouva une fatigue incroyable à travailler sans cesse la tête renversée, et il avait finalement la vue tellement affaiblie, qu’il resta plusieurs mois à ne pouvoir lire, ni regarder de dessins, sauf de bas en haut. Néanmoins son ardeur croissait chaque jour que le travail avançait davantage, et il ne sentait pas la fatigue, tant il éprouvait de satisfaction à perfectionner l’ouvrage produit.

L’œuvre est divisée en cinq petits compartiments séparés par quatre plus grands, avec six lunettes sur chaque grand côté, et deux sur les petits ; entre ces lunettes, il y a les figures hautes de six brasses des Prophètes et des Sibylles. Les compartiments du milieu renferment l’histoire du monde, depuis la Création jusqu’au Déluge et à l’ivresse de Noé ; les lunettes renferment toute la généalogie du Christ. Dans les compartiments on ne remarque aucune recherche de perspectives et de raccourcis, et les dimensions des compartiments sont plutôt appropriées à celles des figures qu’inversement. Figures nues ou drapées sont également exécutées avec une perfection de dessin telle qu’on ne saurait faire mieux, qu’on ne l’a jamais fait, et qu’à peine peut-on l’imiter. Cette œuvre est vraiment le flambeau de l’art moderne, et la révolution qu’elle a faite dans l’art de la peinture est si grande qu’à elle seule elle a illuminé le monde entier, resté dans les ténèbres pendant tant de siècles. En vérité, les peintres n’ont plus à chercher d’inventions nou-