Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/418

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cause que ni lui, ni les autres ne purent opérer, et les maîtres énoncés ci-dessus retournèrent, découragés, à leurs travaux habituels. Michel-Ange, devant aller à Carrare, avait à se faire payer par Jacopo Salviati une provision de mille écus, mais quand il se présenta chez Jacopo, celui-ci était enfermé dans son bureau pour quelque affaire, et Michel-Ange ne voulut pas attendre, mais partit immédiatement et se rendit à Carrare[1]. Jacopo, cependant, apprit que Michel-Ange était venu chez lui, et, ne le trouvant plus à Florence, il lui envoya les mille écus à Carrare. Le porteur demanda un reçu à Michel-Ange qui lui répondit que cet argent allait être dépensé pour le compte du pape, et que ce n’était pas son propre profit, qu’il n’avait qu’à le remporter, parce que lui n’avait pas l’habitude de faire des reçus pour les autres. Aussi le porteur, n’osant pas insister, revint sans reçu à Florence. Tandis que Michel-Ange était à Carrare et qu’il faisait extraire des marbres, tant pour le tombeau de Jules II que pour la façade de San Lorenzo, pensant qu’il pourrait la terminer, on lui écrivit que le pape avait appris que, dans les montagnes de Pietrasanta, à Seravezza, sur le territoire florentin, presque au sommet de la plus haute montagne, appelée l’Altissimo, il y avait des marbres aussi bons et aussi beaux que ceux de Carrare. Michel-Ange le savait bien, mais il ne voulait pas y recourir, parce qu’il était l’ami du marquis Alberigo, seigneur de Carrare, et que, pour le profit de celui-ci, il préférait plutôt extraire de ses marbres que de ceux de Seravezza. Peut-être jugeait-il que cette dernière extraction serait longue et ferait perdre beaucoup de temps, ce qui arriva effectivement. Il fut néanmoins obligé de se rendre à Seravezza, bien qu’il affirmât qu’on y éprouverait plus d’ennuis et de dépense, comme cela arriva en effet au commencement, et peut-être exagérait-il. Mais, comme le pape ne voulut rien entendre, il fallut ouvrir une route de plusieurs milles de longueur, à travers les montagnes, et pour cela briser les rochers à coups de pics et de leviers, pour aplanir, enfoncer des pilotis dans les endroits marécageux, en sorte que Michel-Ange y passa plusieurs années, pour exécuter la volonté du pape, et qu’on en tira finalement cinq colonnes de moyenne grandeur, dont une est sur la place de San Lorenzo, à Florence, et les autres sur la marine, au port d’embarquement. Pour cette raison également, le marquis Alberigo, à qui on enlevait la fourniture des marbres, devint grand ennemi de Michel-Ange, sans qu’il y eût de la faute de ce dernier. Il tira encore, outre les colonnes susdites, beaucoup de marbres qui sont actuellement

  1. Il y resta de 1516 à 1517.