Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/421

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Miniato[1]. On ne les fit pas en gazon, en clayonnages et en fascines, selon l’usage ordinaire, mais on employa des armatures enterrées en châtaigniers et en chênes entrelacés, ainsi que d’autres matériaux de bonne qualité ; au lieu de mottes de gazon, on posa des briques crues faites de bourre et de bouse de vache soigneusement battues et aplaties. La seigneurie de Florence envoya de plus Michel-Ange à Ferrare[2] examiner les fortifications élevées par le duc Alphonse 1er, ainsi que son artillerie et ses munitions. Il fut reçu avec beaucoup de courtoisie par ce seigneur qui le pria d’exécuter pour lui quelque œuvre, tout à son aise, ce que Michel-Ange lui promit.

De retour à Florence, Michel-Ange s’occupait continuellement des fortifications de la ville, et néanmoins il travaillait à un tableau représentant une Léda qu’il peignait en détrempe pour le duc ; ce fut une œuvre divine, comme nous le dirons plus tard. Il travaillait aussi en secret aux statues destinées aux tombeaux de San Lorenzo. Il resta bien six mois sur la colline de San Miniato, pour en activer les fortifications ; car si l’ennemi s’en était emparé, la ville était perdue, aussi s’en occupait-il avec ardeur. En même temps se continuaient les sculptures de la sacristie qui restèrent en partie inachevées, et qui comportaient sept statues. Il faut avouer qu’en sculpture et dans la partie architecturale de ces tombeaux, il a dépassé n’importe qui dans ces arts ; ces statues ébauchées en marbre par lui et terminées en rendent témoignage. L’une d’elles est une Vierge assise qui avance la jambe droite, ayant croisé les deux genoux ; l’Enfant Jésus à cheval sur la cuisse la plus élevée, se tourne, dans une admirable attitude, vers sa mère, demandant le sein. Elle, le tenant d’une main, et s’appuyant de l’autre, se penche pour le lui donner ; bien qu’une partie soit restée à l’état d’ébauche et qu’on y reconnaisse l’effet de la gradine, on devine toute la perfection de l’œuvre. Mais on restera bien plus stupéfait devant les tombeaux des ducs Julien et Laurent de Médicis, quand on considérera que, au jugement de Michel-Ange, la terre était insuffisante pour leur donner une honorable sépulture, et qu’il voulut y faire coopérer toutes les parties du monde, pour surmonter les sarcophages, sous la forme de quatre statues, à savoir : sur le premier tombeau, le Jour et la Nuit, sur l’autre, l’Aurore et le Crépuscule. Ces statues sont exécutées avec de belles formes dans leurs attitudes, et un rendu remarquable des muscles ; elles suffiraient, si l’art venait à disparaître,

  1. Ces bastions existent encore.
  2. Le 28 juillet 1529.