Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/424

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chercher son bagage, et pour amener Michel-Ange au palais, où l’attendait un bon logement. Ne se sentant pas libre, celui-ci fut contraint d’obéir, et de donner tout ce qu’il ne pouvait pas vendre ; il alla donc vers le duc, avec les envoyés, et laissa toutes ses affaires à l’hôtellerie. Le duc lui fit un accueil magnifique et, s’étant plaint de sa sauvagerie, il lui fit de riches présents , et voulut le garder à Ferrare avec une bonne provision. Mais Michel-Ange ne voulut pas rester, ayant l’esprit ailleurs ; le duc alors le pria de demeurer auprès de lui au moins tant que la guerre durerait, et lui offrit de nouveau tout ce qui était en son pouvoir. Michel-Ange, qui ne voulut pas être vaincu en courtoisie, le remercia infiniment, et se tournant vers ses deux compagnons, il dit au duc qu’il avait apporté avec lui, de Florence, douze mille écus, et qu’ils étaient, ainsi que sa personne, à son entière disposition. Le duc lui fit parcourir son palais, comme il l’avait déjà fait autrefois, et lui montra tout ce qu’il avait de rare, jusqu’à son portrait peint par Titien. Michel-Ange le loua beaucoup, mais ne voulut pas rester au palais et retourna à l’hôtellerie. Son hôtelier reçut sous main du duc quantité de choses pour bien le traiter, avec ordre de ne rien accepter à son départ, pour son logement. De Ferrare, Michel-Ange se rendit à Venise, où quantité de gentilshommes désirèrent le visiter ; mais lui, qui eut toujours l’idée qu’ils s’entendaient peu aux arts, quitta la Giudecca où il était logé ; on dit qu’il dessina alors, pour la République, le pont du Rialto, à la requête du doge Gritti, dessin remarquable pour l’invention et les ornements.

Mais sa patrie le réclamait avec beaucoup d’instances ; on lui demandait expressément de ne pas abandonner ses entreprises, et il reçut un sauf-conduit[1]. Finalement, ne pouvant résister à son amour pour son pays, il revint, non sans danger. C’est à cette époque qu’il termina sa Léda qui, dit-on, lui avait été demandée par le duc Alphonse ; elle fut ensuite portée en France par Antonio Mini, son élève[2]. Pendant le siège de Florence, il rendit plus fort le campanile de San Miniato, qui était battu violemment du camp ennemi, par deux pièces d’artillerie. Le tir des grosses pièces l’avait ébranlé et l’aurait certainement entièrement ruiné, si Michel-Ange ne l’avait armé avec des balles de laine et des matelas épais, suspendus par des cordes, qui le protégèrent, en sorte qu’il est encore debout. On dit

  1. Le 20 octobre 1529.
  2. Peinture perdue. Elle était encore à Fontainebleau sous Louis XIII, et l’on dit que le surintendant des Noyers la fit brûler, à cause de sa nudité.