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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/430

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inférieur, et au-dessus des termes on voit des candélabres en marbre ; au milieu et au-dessus du Prophète et de la Sybille sont les armes du pape Jules. Au fond de chaque niche il y a une fenêtre, pour la commodité des frères qui officient dans cette église, car le chœur est derrière le monument, et ils peuvent ainsi chanter et voir à travers ces ouvertures, pendant la messe. En vérité, cette œuvre est bien réussie, mais elle est loin d’offrir la perfection que comportait le premier projet.

Michel-Ange résolut donc de servir le pape Paul[1], puisqu’il ne pouvait pas faire autrement. Celui-ci voulut qu’il continuât l’œuvre du Jugement dernier, qui lui avait été commandée par le pape Clément, sans rien changer à l’invention et au sujet qu’on lui avait donné, par égard au mérite de cet homme, auquel il portait tant d’amour et de respect qu’il ne cherchait qu’à lui plaire. On le vit bien lorsque Sa Sainteté, désirant mettre ses armes au-dessous du Jonas, où étaient primitivement celles du pape Jules II, Michel-Ange lui répondit que cela ne serait pas bien, ne voulant pas faire tort à Jules II et à Clément VII. Sa Sainteté se contenta de cette réponse, pour ne pas lui déplaire, et reconnut bien la vertu de cet homme qui ne pensait qu’au juste et à l’honnête, sans flatteries, chose que les souverains rencontrent rarement autour d’eux. Michel-Ange fit donc élever un mur de briques choisies, bien cuites et bien assemblées, le long de la paroi de la chapelle, et le fit surplomber d’une demi-brasse, de manière que la poussière ni aucune saleté ne pût s’y fixer.

J’en viens aux particularités dans l’invention et la composition de cette fresque[2], parce qu’on l’a reproduite et gravée tant de fois en grand et en petit qu’il n’est pas nécessaire de perdre du temps à la décrire. Qu’il suffise de se rendre compte que cet homme unique n’a pas eu d’autre intention que de représenter en peinture la reproduction la plus parfaite et la mieux proportionnée du corps humain, dans les attitudes les plus diverses ; j’ajouterai encore la représentation des passions et des joies de l’âme, en quoi il s’est montré supérieur à tous les autres artistes contemporains. Il a ouvert ainsi la voie à la grande manière et au rendu du corps nu, en se jouant de toutes les difficultés du dessin et en montrant que le but suprême de l’art est le corps humain. Aussi, entièrement absorbé par cette partie, a-t-il laissé de

  1. Nommé architecte, peintre et sculpteur du palais papal le Ier septembre 1535, avec le traitement annuel de 1.200 ducats d’or.
  2. Commencée en 1537, finie en 1541, découverte le jour de Noël.