Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/444

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

monter à cheval, il serait venu de suite à Florence. Je crois aussi qu’il n’aurait plus pu en partir, pour revenir à Rome, tant il fut ému de la bienveillance et de l’amour que lui portait le duc. Cependant il s’appliquait aux travaux de Saint-Pierre, et les poussait sur divers points, de manière qu’il ne fût pas possible de les modifier ultérieurement.

À ce moment, on lui avait rapporté que le pape Paul IV désirait faire modifier la paroi de la chapelle Sixtine, où est peint le Jugement dernier, parce qu’il trouvait que toutes ces figures montraient leurs nudités d’une manière trop déshonnête[1]. Michel-Ange répondit à ceux qui lui laissaient entendre l’intention du pape : « Dites au pape que ce sera peu de chose à faire : qu’il réforme le monde, et de suite on réformera les peintures. » On enleva à Michel-Ange l’office de la chancellerie à Rimini : il ne voulut jamais en parler au pape qui ignorait la chose. L’échanson pontifical le lui enleva, voulant lui faire donner en échange cent écus par mois, au compte de la construction de Saint-Pierre ; il lui fit porter un quartier à sa maison, mais Michel-Ange ne voulut pas l’accepter.

La même année[2] il perdit Urbino, son serviteur, dont il avait fait pour ainsi dire son compagnon. Il entra au service de Michel-Ange, à Florence, l’an 1530, à la fin du siège, quand Antonio Mini, son élève, s’en alla en France. Il le servit étroitement pendant vingt-six ans, et entra avec lui dans une telle familiarité, que Michel-Ange le fit riche et l’aima au point que, malgré la vieillesse, dans sa dernière maladie, il le soigna, et dormit tout habillé à son chevet. Après la mort d’Urbino, Vasari lui écrivit pour le consoler, et il lui répondit par cette lettre : « Messer Giorgio, mon cher ami. J’ai de la peine à écrire, mais je veux répondre à votre lettre. Vous savez comment Urbino est mort, c’est une grande grâce de Dieu pour moi, mais aussi une grande perte, et j’en ai éprouvé beaucoup de chagrin. La grâce en est qu’en vie il me tenait vivant, et qu’en mourant il m’a appris à mourir, non sans aucun regret, mais avec le désir de la mort. Je l’ai gardé vingt-six ans, et l’ai toujours trouvé fidèle et dévoué. Maintenant que je l’avais lait riche, et que je comptais sur lui pour en faire le bâton et l’appui de ma vieillesse, il m’a quitté, et il ne me reste d’autre espérance que de le revoir en paradis. Un signe évident de la bonté de Dieu dans cette bienheureuse mort est qu’au lieu de se plaindre de mourir, il regrettait

  1. Daniello da Volterra fut ensuite chargé de couvrir ces nudités de draperies. Voir sa Vie.
  2. Le 4 décembre 1554 ; il s’appelait de son vrai nom Francesco di Bernardino dell’Amadori, de Castel Durante, il avait été tailleur de pierre.