Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/446

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un des grands amis de Michel-Ange, par l’entremise de Francesco Bandini et de Messer Donato Gianotti. Étant un jour dans la maison de Michel-Ange où se trouvait le groupe brisé, Tiberio lui demanda pourquoi il l’avait brisé, et perdu ainsi le fruit merveilleux de tant de fatigues, Michel-Ange lui répondit que la cause en était l’importunité d’Urbino, son serviteur, qui le pressait chaque jour de terminer cette Pietà ; qu’il avait enlevé un éclat au coude de la Madone, et que déjà auparavant, il l’avait prise en dégoût à cause d’une fente qu’il avait découverte dans le bloc, et qui lui avait donné beaucoup d’ennuis. Perdant donc patience, il brisa le groupe, et il l’aurait entièrement détruit si Antonio, son serviteur, ne l’avait supplié de le lui donner tel qu’il était. À la suite de cette conversation, Tiberio en parla à Bandini, qui désirait avoir quelque œuvre de la main de Michel-Ange, et Bandini fit en sorte que Tiberio promît deux cents écus d’or à Antonio, et pria Michel-Ange de le laisser terminer ce groupe, sur son modèle, pour Bandini, de manière que Michel-Ange n’eût pas tant travaillé en vain. Michel-Ange voulut bien lui faire ce présent ; Tiberio l’emporta et le reconstitua, bien qu’il fût en je ne sais combien de morceaux. Néanmoins cette œuvre resta inachevée, par suite de la mort de Bandini, de Michel-Ange et de Tiberio[1].

Pour en revenir à Michel-Ange, il lui fut nécessaire de trouver une autre œuvre, pour passer la journée à sculpter, et il s’attaqua à un autre bloc de marbre, dans lequel il avait déjà ébauché une Pietà, différente d’aspect et de plus petites dimensions[2].

Pirro Ligorio, architecte, était entré au service du pape Paul IV, qui l’employa à la construction de Saint-Pierre, et de nouveau il déblatérait contre Michel-Ange, disant partout que ce dernier était tombé en enfance. Michel-Ange, indigné, serait volontiers retourné à Florence, et, sur le point de partir, il en fut sollicité de nouveau par Vasari. Mais il se sentait si décrépit, se voyant arrivé à l’âge de quatre-vingt-un ans, qu’il écrivit à Vasari, par son courrier, en lui envoyant quelques sonnets religieux, et lui dit qu’il arrivait au soir de la vie, et qu’en lisant ses lettres, Vasari verrait bien qu’il ne naissait plus de pensée en lui où ne fût gravée la mort. On voyait dans sa lettre qu’il se tournait vers Dieu et qu’il ne pensait plus aux choses de l’art, à cause des persécutions de ses adversaires et de quelques-uns des intendants de la construction, qui auraient bien voulu, d’après ce qu’il disait,

  1. Actuellement dans la cathédrale de Florence, derrière le maître-autel.
  2. Sculpture inconnue.