Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/450

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Michel-Ange avait avec lui, dans cette entrevue, Tiberio Calcagni, sculpteur florentin et jeune homme désireux d’apprendre, qui, étant venu à Rome, s’était consacré à l’architecture. Michel-Ange, qui l’aimait, lui avait donné à terminer la Pietà en marbre qu’il brisa, ainsi qu’un buste de Brutus en marbre[1], plus grand que nature ; la tête seule avait été traitée avec de fines gradines. L’image de Brutus était tirée d’une cornaline antique qui le représentait, et qui appartenait au seigneur Giulio Cesarino. Sur la demande de Messer Donato Gianottti, Michel-Ange faisait ce buste pour le cardinal Ridolfi : c’est une œuvre remarquable.

Ne pouvant plus, à cause de la vieillesse, ni dessiner, ni tirer de lignes droites, il se servait constamment de Tiberio, qui était très prévenant et discret. Désirant donc se servir de lui dans l’entreprise de San Giovanni, il lui fit lever le plan de site de l’église. Aussitôt que cela fut fait, Michel-Ange manda aux chefs de la nation florentine par Tiberio qu’il avait travaillé pour eux, et il leur montra cinq plans d’églises admirables, ce qui les étonna grandement, car ils pensaient qu’on ne s’en occupait pas. Il leur dit alors d’en choisir un, et comme ils voulaient s’en rapporterà lui, il insista, et tous d’un commun accord prirent le plan le plus riche, à la suite de quoi, Michel-Ange leur dit que s’ils conduisaient à fin ce projet, ils auraient une œuvre telle que jamais ni les Romains, ni les Grecs ne construisirent de temple pareil. Jamais il n’avait prononcé de telles paroles et n’en prononça depuis, car il était d’une extrême modestie. Finalement ils décidèrent que la direction serait confiée à Michel-Ange et la pratique de l’entreprise à Tiberio ; ils furent tous deux contents, leur promettant de bien les servir. Ayant donc donné le plan à Tiberio pour qu’il le mît au net, avec les justes proportions, il y joignit les profils de l’intérieur et de l’extérieur, afin qu’il en tirât un modèle en terre, lui enseignant la manière de l’exécuter, pour qu’il tînt sur ses pieds. En dix jours, Tiberio fit un modèle de huit palmes qui plut infiniment à toute la nation, et d’après lequel on exécuta ensuite un modèle en bois qui est actuellement au consulat de cette nation, œuvre unique, telle qu’on n’aurait jamais vu un temple si beau, si riche, ni si varié. La construction fut commencée, et l’on dépensa cinq mille écus, mais elle resta ensuite inachevée, faute du versement des sommes promises, et Michel-Ange en eut beaucoup de déplaisir[2].

  1. Actuellement au Musée National.
  2. Terminée ensuite par Carlo Maderni et Alessandro Galiléi, du temps de Clément XII.