Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/455

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beaucoup ses élèves et vivait avec eux en grande familiarité, par exemple Jacopo Sansovino, le Rosso, le Puntormo, Daniello da Volterra et notamment Giorgio Vasari d’Arezzo, qu’il traita toujours avec beaucoup d’amabilité et qui lui doit de s’être adonné à l’architecture, parce qu’il voulait l’employer quelque jour ; il causait volontiers avec lui et discourait des choses de l’art. Ceux qui disent qu’il ne voulait pas enseigner ont tort, parce qu’il en usa toujours ainsi avec ses familiers et avec ceux qui lui demandaient conseil. La mauvaise fortune voulut que de ses élèves aucun ne fût digne de lui. Il m’a dit souvent qu’il regrettait de voir leurs efforts inutiles, et que, malgré son âge, il aurait volontiers travaillé l’anatomie, et aurait écrit sur ce sujet pour aider ses élèves ; plusieurs de ceux-ci trompèrent sa pensée. Mais il craignait de ne pouvoir rendre par ses écrits ce qu’il avait en idée, manquant d’exercice dans ce genre de travail, et pourtant, dans ses lettres en prose, il a très bien exprimé sa pensée en peu de paroles, et il s’est plu à expliquer les poètes qui ont écrit en langue vulgaire, particulièrement Dante et Pétrarque, qu’il admirait et imitait dans des inventions, madrigaux et sonnets sérieux, sur lesquels on a fait des commentaires. Il en envoya une infinité, dont il reçut des réponses en vers et en prose, à la très illustre marquise de Pescara, de la vertu de laquelle il était grandement épris, et dont il était payé de retour. Elle alla souvent de Viterbe à Rome, pour le voir, et Michel-Ange dessina pour elle une Pietà admirable avec deux petits anges entourant la Vierge, ainsi qu’un Christ en croix, qui, la tête levée, remet son âme à son Père, œuvre admirable ; il lui donna aussi un Christ avec la Samaritaine auprès du puits. Il se plaisait à lire les sainte Écritures, en bon chrétien qu’il était, et il avait en grande vénération les œuvres de Fra Girolamo Savonarola, pour avoir entendu la voix de ce frère prêchant du haut de la chaire. Il aima grandement les beautés du corps humain, pour les imiter par l’art et pouvoir tirer le beau du beau (car, sans cette imitation, on ne peut faire de chose parfaite), sans aucune pensée lascive ou déshonnête, comme il l’a montré dans sa manière de vivre. Il était extrêmement sobre, et dans sa jeunesse il se contentait d’un peu de pain et de vin, pour ne pas se distraire de son travail. Dans sa vieillesse, tandis qu’il travaillait au Jugement dernier, il attendait que la journée fût finie pour se restaurer le soir, toujours très sobrement. Quoique riche, il vivait pauvrement ; aucun de ses amis ne mangea jamais avec lui, ou rarement. Il ne voulait de cadeaux de personne, parce qu’il lui semblait devoir être toujours l’obligé de celui qui lui donnait quelque chose. Cette sobriété faisait qu’il veillait longtemps et dormait très peu ;