Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/458

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quel bonheur pour votre âme ! » Le même lui recommanda un de ses amis, à qui Michel-Ange fit faire une statue, et lui demanda de lui faire donner quelque chose de plus, ce que Michel-Ange fit bien volontiers. Il pensait que Michel-Ange ne tiendrait pas sa promesse, et quand il vit qu’il s’était trompé, il se plaignit à des tiers qui rapportèrent le propos à Michel-Ange. Celui-ci dit alors qu’il n’aimait pas les hommes à double face, tirant cette métaphore de l’architecture, et voulant dire qu’avec de pareilles gens on ne peut rien faire de bien. Un de ses amis lui demandait ce qu’il pensait d’un artiste qui avait copié en marbre les plus célèbres statues antiques, et qui se vantait d’avoir surpassé de beaucoup les originaux. Michel-Ange lui répondit : « Qui marche derrière d’autres ne passe jamais devant eux ; qui ne fait rien de bien par lui-même ne peut pas profiter des œuvres des autres. » Je ne sais quel peintre avait fait une œuvre, dans laquelle un bœuf était mieux réussi que le reste. On en demanda la raison à Michel-Ange qui répondit : « Tout peintre réussit mieux son propre portrait. » Comme il passait un jour devant San Giovanni, à Florence, on lui demanda ce qu’il pensait des portes, et il répondit : « Elles sont si belles qu’elles feraient bien aux portes du paradis. » Il était une fois au service d’un prince qui chaque jour changeait d’avis, et à cette occasion, il disait à un de ses amis : « Ce seigneur a une cervelle comme une girouette ; tout vent qui souffle dessus la fait tourner. » Étant allé voir une œuvre de sculpture qui devait être exposée, étant terminée, comme le sculpteur cherchait la meilleure lumière des fenêtres, pour faire valoir sa statue, Michel-Ange lui dit : « Ne te mets pas en peine ; l’important est la lumière de la place », voulant dire que, puisque les œuvres d’art sont montrées au public, c’est lui qui juge si elles sont bonnes ou mauvaises. Il y avait à Rome un grand prince, qui se piquait d’architecture et qui avait fait faire des niches destinées à contenir des statues. Comme ces niches étaient hautes des trois quarts, avec un anneau à la partie supérieure, et que l’on s’efforça d’y mettre diverses statues qui n’y faisaient pas bien, on demanda à Michel-Ange ce qu’il fallait y mettre, et il répondit : « Des bottes d’anguilles suspendues à cet anneau. » Quelqu’un fut attaché à la construction de Saint-Pierre, qui prétendait connaître à fond Vitruve, et qui censurait tout ce que l’on faisait. On dit alors à Michel-Ange : « Vous avez là un homme d’un grand esprit. » Il répondit : « C’est certain, mais il a un pauvre jugement. » Un peintre avait fait une peinture qu’il avait remplie de quantité de figures et de choses prises à d’autres dessins et à d’autres peintures, en sorte qu’il n’y avait aucune partie de son tableau qui ne