Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/464

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odeur, en sorte que nous pouvions croire qu’il reposait plutôt dans un doux et profond sommeil. Outre que les traits du visage n’avaient pas changé, sauf que ce dernier avait pris un peu la teinte de la mort, aucun membre n’était altéré ; la tête et les joues étaient telles qu’on aurait pu croire, à les toucher, qu’il y avait peu d’heures que la mort était venue.

La foule s’étant enfin écoulée, on procéda à la mise du corps dans un caveau de l’église, à côté de l’autel des Cavalcanti, et près de la porte qui donne dans le cloître du chapitre. À ce moment, le bruit ayant couru par toute la ville, il vint tant de jeunes gens pour le voir, qu’on eut grand peine à fermer le caveau. Et si on l’avait fait le jour, au lieu de procéder la nuit, on aurait été obligé de laisser le caveau ouvert pendant de longues heures pour satisfaire la foule. Le lendemain matin, tandis que les peintres et sculpteurs désignés faisaient les projets de la cérémonie solennelle, les beaux esprits, dont Florence a toujours été remplie, commencèrent à attacher au caveau nombre de pièces de vers en latin et en italien, ce qui continua quelque temps. On les a d’ailleurs imprimées, mais ce n’est que la plus petite partie de toutes celles qui furent composées à ce sujet.

Le 14 juillet, les funérailles solennelles eurent lieu dans l’église San Lorenzo[1]. Après tous ces honneurs, le duc voulut qu’on élevât à Michel-Ange un monument dans cette église de Santa-Croce où, de son vivant, il avait déclaré vouloir être enterré dans le tombeau de ses ancêtres. Son Excellence donna à Lionardo Buonarroti tous les marbres nécessaires, et le tombeau, dessiné par Vasari, fut donné à faire à Batista Lorenzi, excellent sculpteur, ainsi que le buste de Michel-Ange. Comme il doit y avoir trois statues, la Peinture, la Sculpture et l’Architecture, une d’elles fut allouée à Batista, une autre à Giovanni dell’Opera et la troisième à Valerio Cioli, tous trois sculpteurs florentins. Ils y travaillent en ce moment, et le tombeau sera bientôt mis en place[2]. La dépense est supportée par Lionardo Buonarroti ; les marbres ont été donnés par le duc. Mais Son Excellence, pour ne rien négliger des honneurs dus à un tel homme, a décidé de faire poser son buste, avec une inscription, dans le Dôme, où l’on voit déjà les noms et les têtes d’autres Florentins éminents[3].


 

  1. Vasari donne tout au long la description qui a été supprimée (vingt pages dans l’édition Sansoni).
  2. 1564-1568.
  3. On ne donna pas suite à ce projet.