Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/51

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outre des nus, des raccourcis et quantité de belles figures, rendant ainsi la terreur qui régnera dans ce dernier et terrible jour. Il éveilla l’esprit de ceux qui sont venus après lui et qui ont pu trouver vaincues les difficultés de cette manière. Aussi je ne m’étonne point que Michel-Ange ait toujours vivement loué les œuvres de Luca, et qu’il ait pris quelques-unes de ses inventions qu’il a introduites dans son divin Jugement dernier de la chapelle Sixtine. Luca se représenta lui même, ainsi que plusieurs de ses amis dans cette fresque.

À Santa Maria di Loreto, il peignit à fresque, dans la sacristie, les quatre Evangélistes, les quatre Docteurs et d’autres saints qui sont très beaux[1]. Il fut libéralement récompensé de ce travail par le pape Sixte.

On raconte qu’un des fils, qu’il aimait beaucoup et qui était très beau de son visage et de toute sa personne, ayant été tué à Cortona[2], Luca, plongé dans sa douleur, fit dépouiller le cadavre et le peignit avec une grande force de caractère, sans se plaindre ni jeter une larme pour voir toujours peint de ses mains ce que la nature lui avait donné et que la fortune ennemie lui enlevait. Appelé ensuite, par le pape Sixte[3] à peindre dans la chapelle du palais papal, concurremment avec d’autres peintres, il fit deux histoires qui sont comptées parmi les meilleures. L’une est le Testament de Moïse au peuple hébreux en vue de la terre promise et l’autre la mort de Moïse.

Finalement, ayant produit des œuvres pour ainsi dire pour tous les princes d’Italie et étant déjà vieux, il revint à Cortona où, dans ses dernières années, il peignit encore, plus par amusement que pour autre chose, en homme qui, habitué à travailler, ne pouvait ni ne savait rester oisif. Il fit donc dans sa vieillesse, deux tableaux : l’un[4] pour les religieuses de Santa Margherita d’Arezzo et l’autre[5] pour la Compagnie de San Girolamo. Partie du prix de ce dernier tableau fut payée par Messer Niccolo Gamurrini, docteur en lois et auditeur de Rote, qui y est représenté agenouillé et recommandé par saint Nicolas à la Vierge près de laquelle on voit san Donato, saint Etienne, saint Jérôme nu, David chantant sur un psalterion ; il y a encore deux Prophètes qui s’entretiennent de la Conception, comme semblent l’indiquer les brefs qu’ils tiennent dans leurs mains. Ce tableau fut porté

  1. Ces fresques n’existent plus.
  2. Luca perdit un fils en 1502 et un autre en 1506.
  3. Vers 1482-1483 ; ces deux fresques existent encore.
  4. Tableau inconnu.
  5. Commandé le 19 septembre 1519 pour 100 florins larges ; actuellement a la Pinacothèque d’Arezzo.