Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/58

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l’habileté de main et du jugement qui rapportent sur une surface plane tout ce que voit l’œil, et le dessinent soit sur une feuille, un panneau, ou tout autre plan, justement et à point ; la sculpture en fait autant en relief. La manière arriva ensuite à être la plus parfaite, par suite de la fréquente reproduction des choses les plus belles, et prenant de beaux exemples de mains, de têtes, de corps ou de jambes, de les juxtaposer et de faire la plus belle figure possible, en la composant de toutes ces beautés, enfin de mettre en usage cette composition pour toutes les figures à exécuter ; voilà ce que l’on appelle une belle manière[1].

Tout cela n’avait pas été fait par Giotto, ni par les artistes primitifs, bien qu’ils eussent découvert les principes de toutes ces difficultés, et qu’ils s’en fussent occupés sommairement, par exemple, pour le dessin qui était plus vrai qu’auparavant, et plus conforme à la nature, pour l’union des couleurs et la composition des figures dans les sujets, ainsi que beaucoup d’autres choses, dont on a suffisamment parlé. Quoique les artistes de la deuxième époque eussent perfectionné grandement ces arts en leur apportant toutes les choses que nous avons énoncées ci-dessus, elles n’étaient pourtant pas si réussies que l’on pût finalement par elles atteindre à l’entière perfection, parce qu’il manquait encore à la règle une certaine facilité d’en sortir, qui fût restreinte par la règle, mais qui pût exister sans provoquer de confusion et sans altérer l’ordre[2]. Celui-ci demandait une invention abondante de tous les objets, une certaine beauté continue dans la moindre chose, qui rendît manifeste cet ordre avec plus d’ornement. Dans la mesure manquait un jugement droit, d’après lequel les figures sans être mesurées eussent, dans la grandeur où elles étaient représentées, une grâce qui surpassât la mesure. Le dessin ne comportait pas tout le fini dont il est capable ; car, bien que les artistes fissent un bras rond et une jambe droite, on n’y voyait pas l’étude de la musculature, avec cette facilité gracieuse et douce qui apparaît dans le voir et le non-voir, et qu’on remarque dans la chair et les choses vivantes. Au contraire, on les faisait dures et étriquées, en sorte qu’elles étaient déplaisantes à voir, et d une manière heurtée ; celle-ci manquait de charme et de l’art de faire sveltes et gracieuses toutes les figures, particulièrement celles de

  1. Toutes ces définitions manquent de clarté. La traduction littérale de ce passage, telle qu’on s’est efforcé de la faire, ne rend certainement pas l’idée de l’auteur.
  2. Ibid.