Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un cercle : il en existe un très beau et très difficile, gravé, avec cette inscription au milieu : Leonardus Vinci Accademia[1].

Parmi ces modèles et dessins, il y en avait un au moyen duquel il démontra plusieurs fois à des citoyens de mérite, qui gouvernaient alors Florence, qu’il soulèverait le temple de San Giovanni et l’exhausserait sur des degrés sans le détruire. Il avait de fort bonnes raisons pour persuader que cela paraissait possible, bien que chacun, une fois qu’il était parti, reconnût en soi-même l’impossibilité d’une semblable entreprise.

Sa conversation était si agréable, qu’il attirait à lui les cœurs des gens. Ne possédant pour ainsi dire aucune fortune et peu assidu au travail, il eut toujours des domestiques, des chevaux qu’il aimait par dessus tout et toutes sortes d’animaux qu’il gouvernait avec une patience et un amour infinis. Souvent, en passant par les lieux où l’on vendait des oiseaux, il en sortait lui-même de la cage, les payait le prix demandé et les laissait s’envoler, leur rendant la liberté perdue. La nature voulut le combler de tant de faveurs qu’en toute chose où il appliqua sa pensée et son esprit il montra tant de divinité dans ses œuvres qu’il n’eut pas d’égal pour leur donner vivacité, bontés grâce et beauté. On se rend bien compte que cette grande intelligence de l’art fut précisément cause que Léonard, qui commença beaucoup de choses, n’en finit aucune. Il lui semblait que sa main ne pourrait jamais atteindre la perfection de l’art, qu’il voyait dans ses œuvres par la pensée, d’autant plus que son imagination créait des difficultés extrêmes et des finesses merveilleuses, que ses mains, tant habiles qu’elles fussent, n’auraient jamais pu exprimer. Ses idées capricieuses le poussèrent à étudier la philosophie des choses naturelles, à rechercher la propriété des plantes et à observer le mouvement du soleil, de la lune et des astres.

Étudiant les arts du dessin, dans sa jeunesse, avec Andrea del Verrocchio, comme nous l’avons déjà dit, grâce à Ser Piero, et Andrea exécutant un tableau du Baptême du Christ[2], Léonard peignit un ange tenant des vêtements, et, bien qu’il fût très jeune, il le fit infiniment supérieur aux figures peintes par Andrea, ce qui fut cause que celui-ci ne voulut plus jamais toucher aux couleurs, désespéré de voir qu’un enfant en savait plus que lui.

On donna à faire à Léonard un carton d’après lequel on devait

  1. Lire : Leonardi Vinci Academia.
  2. Actuellement à l’Académie des Beaux-Arts à Florence.