apprivoisé, il le portait dans une boîte d’où il le faisait sortir pour effrayer ses amis. Il se livra à toutes sortes de folies semblables, s’appliqua à connaître l’effet des miroirs, et fit d’étranges essais pour trouver des huiles et des vernis propres à conserver la peinture. Dans ce temps-là, il peignit, avec infiniment d’art et de soin, un petit tableau représentant la Vierge tenant l’Enfant Jésus, pour Messer Baldassare Turini da Pescia, dataire de Léon X. Mais, soit par la faute de celui qui le plâtra, soit par suite de ses compositions étranges d’enduits et de couleurs, ce tableau est aujourd’hui à demi ruiné. Sur un autre petit tableau, il représenta un petit enfant merveilleusement beau et gracieux[1]. On raconte que le pape lui ayant commandé un tableau, il se mit tout d’abord à distiller des huiles et des plantes pour faire le vernis, ce qui fit dire au pape : « Hélas ! cet homme ne fera rien, puisqu’il pense à la fin de son ouvrage avant de l’avoir commencé ! » Il y avait une grande inimitié entre Léonard et Michel-Ange Buonarroti. Quand Michel-Ange partit de Florence, avec l’agrément du duc Giuliano, étant appelé par le pape au sujet de la façade de San Lorenzo, Léonard, l’apprenant, quitta également Florence, et s’en alla en France[2], dont le roi, possédant quelques-unes de ses œuvres, l’estimait chèrement[3], et désirait qu’il peignit son carton de la Sainte-Anne[4]. Mais, suivant sa coutume, il l’amusa longtemps par de belles paroles. Finalement, devenu vieux, il resta de longs mois malade[5], et, se voyant près de la mort, il voulut s’informer avec soin des choses de notre bonne et sainte religion chrétienne et catholique ; s’étant confessé et repenti avec forces larmes, quoiqu’il ne pût plus se tenir debout, soutenu dans les bras de ses amis et serviteurs, il voulut dévotement recevoir le Très Saint-Sacrement hors de son lit. Le roi qui le visitait souvent de la façon la plus amicale, survint sur ces entrefaites[6]; par respect, Léonard se dressa sur son lit, lui exposant la nature et les vicissitudes de sa maladie, et montrant en outre combien il avait offensé Dieu et les hommes en n’ayant pas fait de son art l’usage qu’il convenait. Il lui prit à ce moment un spasme avant-coureur de la mort ; le roi se leva et lui prit la tête pour l’aider et pour lui témoigner sa faveur, afin de soulager ses souffrances ; mais ce divin
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Apparence