Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/95

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Buonarroti supprima tout ce qu’il y avait de superflu, et ramena l’édifice à cette beauté et à cette perfection auxquelles les autres n’avaient jamais songé. C’est son œuvre, quoi qu'il m’ait dit bien souvent qu’il ne faisait que suivre les idées de Bramante et que les véritables auteurs d’un édifice sont ceux qui en donnent les premiers le dessin[1]. Le projet de Bramante apparaît démesuré, quand on considère la maigre continuation que l’on a donnée au commencement grandiose des travaux. Si, au contraire, il avait donné un début moindre à ce monument étonnant, ni le génie de San Gallo et des autres, ni celui de Buonarroti lui-même n’auraient pu ensuite le transformer en plus grand.

On raconte qu’il était si désireux de voir avancer ses travaux qu’il détruisit dans la vieille basilique beaucoup de belles choses, telles que des tombeaux de papes, des peintures, des mosaïques et quantité de portraits de personnages illustres qui se trouvaient dans cette église, la première de la chrétienté[2]. Il conserva seulement l’autel et l’ancienne tribune qu’il entoura d’un magnifique ornement dorique en pépérin, pour que le pape pût y réunir sa cour et les ambassadeurs des princes chrétiens, lorsqu’il vient célébrer la messe à Saint-Pierre. La mort empêcha Bramante de terminer cet ouvrage qui fut ensuite terminé par Baldassare Peruzzi.

Bramante était d’un caractère gai et bienveillant, et il s’appliqua toujours à aider les siens. Il aimait les hommes bien doués du côté de l’esprit et leur rendait tous les services possibles, comme on peut s’en rendre compte par ce qu’il fit pour le charmant Raphaël d’Urbin qu’il appela à Rome[3]. Il vécut toujours d’une manière honorable et splendide, une fois arrivé au rang que lui valurent son mérite et son génie et n’hésitait pas à dépenser. Il se plaisait à la poésie, aimait à entendre et à improviser lui-même sur la lyre, et composa quelques sonnets qui ne sont pas sans mérite. Estimé et recommandé par les prélats et les seigneurs qui le connurent, sa renommée, immense de

  1. Extrait d’une lettre de Michel-Ange à Bartolommeo Ammanati : On ne peut nier que Bramante ait été excellent en architecture autant qu’aucun autre l’ait été depuis les anciens jusqu’à nos jours. Il posa la première pierre de Saint-Pierre, et fit sa construction non confuse, mais claire, nette, lumineuse, et complètement isolée, de manière à ne nuire à aucune partie du palais pontifical. On la regarda comme une belle œuvre, comme c’est manifeste encore maintenant, en sorte que quiconque s’est éloigné du plan primitif de Bramante, comme l’a fait San Gallo, s’est éloigné de la vérité.
  2. La plupart au contraire furent conservées.
  3. Et qui était son parent éloigné. Bramante le désigna pour son successeur.