Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/97

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dans Florence, que nous ne citerons pas toutes. Pier del Pugliese avait une petite Madone en marbre, de très faible relief, par Donatello, œuvre très remarquable ; pour la rehausser, il fit faire un tabernacle en bois, fermé par deux volets, à l’intérieur desquels Baccio dalla Porta représenta la Nativité du Christ et la Circoncision, si bien peintes dans le genre de la miniature, qu’en peinture à l’huile on ne saurait faire mieux. Quand les volets sont fermés, ils représentent en clair-obscur et à l’huile l’Annonciation de la Vierge[1].

Baccio était aimé à Florence pour son mérite ; assidu au travail, bon, paisible de nature et craignant Dieu, il aimait la vie tranquille, fuyait les mauvaises compagnies et se plaisait à entendre les prédications, ainsi qu’à rechercher la société des personnes savantes et réfléchies. Aussi sa réputation grandissante lui fit demander par Gerozzo, fils de Mona Venna Dini, de peindre une chapelle dans le cimetière de l’hôpital de Santa Maria Nuova. Il y commença une fresque du Jugement dernier[2], qui lui acquit une grande renommée, mais qui resta inachevée, Baccio ayant résolu de se consacrer à Dieu plutôt qu’à la peinture.

À cette époque Fra Girolamo Savonarola de Ferrare, célèbre théologien de l’Ordre des Frères prêcheurs, se trouvant à San Marco, Baccio, qui allait assidûment à ses prédications, en arriva à se lier étroitement avec lui et à demeurer presque continuellement dans le couvent où il avait contracté une grande amitié avec les autres frères. Savonarola s’écriait chaque jour dans ses prêches que les peintures lascives, la musique, les poésies amoureuses induisent les âmes à mal faire, et persuadait qu’il était indigne de voir, dans les maisons où se trouvent des jeunes filles, des tableaux représentant des nudités. Le peuple s’étant échaufie à ses discours, survint le carnaval, pendant lequel suivant un ancien usage, on allumait, le soir du mardi, un grand feu de joie sur la place publique, et les hommes et les femmes dansaient autour, se tenant par la main en chantant des rondes amoureuses. Fra Girolamo fitsi bien que, ce jour-là, au lieu déformer le bûcher de bois et de broussailles, on brûla des livres, des instruments de musique, des recueils de poésie et une énorme quantité de tableaux et de sculptures représentant des nudités, mais venant des meilleurs maîtres, ce qui fut une perte irréparable pour les arts et surtout pour la peinture. Baccio apporta toutes les études qu’il avait faites

  1. Ces volets sont actuellement aux Offices.
  2. Conservée actuellement aux Offices, 1499-1500. En mauvais état.