Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/98

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d’après le nu, et fut imité par Lorenzo di Credi et plusieurs autres appelés I Piagnoni.

Peu de temps après, par suite de l’affection que Baccio portait à Fra Girolamo, il fit un très beau tableau de lui[1], qui, envoyé d’abord à Ferrare, est revenu dernièrement à Florence, dans la maison de Filippo Alamano Salviati, qui en fait grand cas, comme étant de la main de Baccio.

Il arriva ensuite que le parti contraire à Fra Girolamo se souleva, un jour, pour s’emparer de lui et le livrer à la justice, à cause des séditions qu’il avait excitées à Florence. Ses amis se réunirent de leur côté, au nombre de plus de cinq cents, et se renfermèrent dans San Marco, Baccio étant avec eux. À la vérité, timide et peu courageux, quand il entendit donner l’assaut au couvent, et qu’il y eut des morts et des blessés, il eut une grande frayeur et fit le vœu d’entrer immédiatement en religion dans cet ordre s’il échappait à cette bagarre, serment qu’il observa scrupuleusement. Le tumulte terminé, le frère pris et condamné à mort[2], comme le racontent les historiens, Baccio se rendit à Prato, et, suivant les chroniques du couvent, prit l’habit de saint Dominique, le 26 juillet de l’an 1500, au grand déplaisir de tous ses amis qui s’affligeaient de l’avoir perdu et se plaignaient surtout de la résolution qu’il avait prise de ne plus se livrer à la peinture. Mariotto Albertinelli termina alors la fresque de Santa Maria Nuova, laissée inachevée par Fra Bartolommeo [nom que Baccio avait reçu du prieur, en prenant l’habit religieux]. Celui-ci, étant resté plusieurs mois à Prato, fut ensuite placé par ses supérieurs dans le couvent de San Marco, à Florence, dont les religieux l’accueillirent avec beaucoup de caresses.

Bernardo del Bianco avait fait construire, à cette époque, dans la Badia de Florence, une chapelle en pierre de macigno, richement sculptée, sur les dessins de Benedetto da Rovezzano. Désireux d’y placer un tableau qui fut digne de cette ornementation, et persuadé que Fra Bartolommeo était tout désigné pour cette œuvre, il essaya de l’y décider par l’entremise de ses amis. Fra Bartolommeo, cependant, était au couvent, ne s’occupant plus qu’à suivre les offices divins et à observer les règles de son ordre ; bien qu’il fût sollicité, par le prieur et par ses amis les plus chers, de produire quelque peinture, depuis

  1. Actuellement à Florence, au musée de Saint-Marc. Un portrait de Savonarole, également dû à Fra Bartolommeo, est à l’Académie des Beaux-Arts.
  2. Le supplice de Savonarole eut lieu le 23 mai 1498.