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de Fernand Mendez Pinto.

d’aloes, à beaucoup moindre prix qu’il ne valoit, & qu’il luy auoit payé le tout à ſa volonté, & que non content de ce il luy auoit donné en payement des hardes pourries, dont il ne pouuoit faire profit ; ioint que les cinq mille ducats d’employ qu’il auoit fait, & qui dans Malaca en valoient plus de dix mille, outre le change des marchandiſes valables qu’il en pouuoit aiſément rapporter, & dont le profit ſe deuoit monter à pareille ſomme de dix mille ducats, que le tout neantmoins ne s’eſtoit reduit qu’à la ſomme de ſept cens ducats ; qu’au reſte pour ſe vanger de ce tort il auoit feint des querelles à deſſein, pour l’obliger à ſortir, afin de le faire tuer, & qu’en cas que telle choſe arriuaſt, il ſeroit à propos que ie m’y treuuaſſe pour empeſcher qu’à faute de ſecours, la marchandiſe que i’auois, ne vint à ſe perdre. Luy ayant donné là-deſſus quelques raiſons pour faciliter mon voyage, il ne les voulut point approuuer, & me contrediſt en toutes mes propoſitions. Pour concluſion ie luy remonſtray que ſi le malheur vouloit pour luy qu’on l’aſſaſſinaſt, comme il diſoit, afin d’auoir ſa marchandiſe, ie ne pourrois me ſauuer non plus que luy, & qu’ainſi puis qu’il tenoit cét aduis pour certain, comme il me l’aſſeuroit, ie m’eſtonnois fort de ce qu’il auoit permis que les vnze Portugais s’en allaſſent, auec leſquels luy-meſme deuoit pluſtoſt s’embarquer, pour faire voile à Malaca. À ces paroles demeurant vn peu eſtonné ; Helas ! me diſt-il, Dieu ſçait comme quoy ie m’en repens maintenant ; mais puiſque ie n’ay fait ce que vous dites, faites maintenant ce dequoy ie vous prie, & le demandez de la part du Seigneur Capitaine, à qui ie m’en vay eſcrite de tout ce dont ie vous ay parlé, & ie ſuis bien aſſeuré qu’il ne prendra pas en bonne part que vous me laiſſiez icy tout ſeul auec ſa marchandiſe, qui n’eſt pas en ſi petite quantité qu’elle ne paſſe plus de trente mille ducats d’employ, ſans y comprendre ce qui m’appartient qui vaut bien autant. Cette requeſte qu’il me faiſoit auec tant d’inſtance me rendant confus d’vn coſté, & de l’autre conſiderant l’extréme danger que ie courois en cas que i’y demeuraſſe, ie ne ſçauois à quelle de ces deux extremitez me reſoudre. À la fin apres