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Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/134

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Voyages Aduentureux

auoir bien penſé à l’affaire, ie fus contrainct de demeurer d’accord auec luy, qu’en cas que dans quinze iours il ne s’embarquaſt auec moy dans ma Lanchare, pour s’en aller à Patane auec ſa marchandiſe reduicte en or, ou en pierreries, dont la ville eſtoit abondante, que ſans luy ie pourrois m’en aller où bon me ſembleroit ; offre qu’il fut contraint d’accepter, & ainſi nous en demeuraſmes là dessus.




Comment le Roy de Pan fut tué, par qui, enſemble quel en fut le ſuiet, & de ce qui nous arriua à Tome Lobo, & à moy.


Chapitre XXXV.



L’Apprehension talonna de ſi prés Tome Lobo, que de peur qu’il euſt que ce dequoy on l’auoit aſſeuré, ne luy arriuaſt veritablement, il vſa d’vne telle diligence à vendre ſa marchandiſe par le moyen du bon marché qu’il en fit, qu’en moins de 8. iours il en vuida ſon magazin, & les autres lieux où elle eſtoit. Par meſme moyen ſans vouloir prendre en eſchange ny poivre, ny cloux de giroffle, ny autres telles drogues qui occupaſſe trop de lieu, il trocqua le tout pour de l’or de Menencabo, & pour les diamants qui eſtoient venus dans les Iurupangos du pays de Lauo, & de Taucampura, & auſſi pour des perles de Borneo, & de Solor. Or comme il euſt preſque tout receu, & que nous euſmes fait deſſein de nous embarquer ; le lendemain le malheur voulut que la nuict ſuiuante il arriuaſt vne choſe grandement effroyable, qui fut, qu’vn nommée Goia Geinal, Ambaſſadeur du Roy de Bornée, qui depuis trois ou quatre ans reſidoit à la Cour du Roy de Pan, homme merueilleuſement riche, tua le Roy, pour l’auoir treuué couché auec ſa femme ; ce qui fut cauſe qu’il ſe fit vne ſi grande emotion dans la ville, qu’elle ſembloit eſtre vn tumulte d’enfer plutoſt qu’vne choſe humaine ; dequoy s’eſtans aperceus quelques vagabonds & faineants, qui ne demandoient pas mieux que de ſemblables occaſions afin de faire