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Voyages Aduentureux

uoir que dans toute cette coſte de Malaye, & dans le pays commande vn grand Roy, qui pour vn tiltre fameux & recommandable ſur tous les autres Roys, ſe fait appeller Prechau Saleu, Empereur de tout le Sornau, qui eſt vn pays où il y a treize Royaumes, par nous vulgairement appellez Siam, auſquels ſont ſubjects & rendent hommage quatorze petits Roys, qui auoient accouſtumé anciennement, & meſmes eſtoient obligez de s’en aller en perſonne en la ville de Odiaa, capitale de cet Empire de Sornau, qui eſt maintenant vn Royaume, pour y apporter le tribut, à quoy chacun d’eux eſtoit obligé, & de faire la Sumbaya à leur Empereur, qui eſtoit proprement luy baiſer le coutelas qui eſtoit à ſon coſté. Or d’autant que cette ville eſt ſituée à 50. lieuës dans le pays, & que les courans des riuieres y ſont fort grands, ces Roys eſtoient quelquesfois contraints d’y paſſer l’hyuer auec vne deſpence fort grande. Dequoy le Prechau Roy de Siam ayant eu aduis par vne requeſte, que tous ces 14. Roys luy firent enſemble, il euſt agreable de leur changer cette grande ſubjection en vne autre plus petite. Il ordonna donc qu’à l’aduenir il y auroit en ſon nom vn Vice-Roy dans la ville de Lugor, qu’ils appellent en leur langue Poyho, auquel en ſon nom ces quatorze Roys s’en iroient de trois ans en trois ans luy rendre l’hommage & l’obeyſſance qu’ils auoient accouſtumé de luy faire à luy-meſme ; qu’au reſte lors que chacun s’acquiteroit des hommages qu’ils deuoient de trois années paſſées, durant tout le mois qu’ils le viendroient faire, leur marchandiſe ſeroit franche de tous impoſts, comme auſſi celle de tous les autres marchands, tant naturels, qu’eſtrangers, qui durant ce mois entreroient dans ce pays, ou en ſortiroient. Or pource que nous y arriuaſmes au tenps de cette franchiſe, il y auoit vn ſi grand nombre de marchands qui s’y rendoient de toutes parts, qu’on nous aſſeura qu’il y auoit au port de cette ville plus de quinze cents vaiſſeaux tous chargez d’vne infinité de marchandiſes de grand prix. Voila la bonne nouuelle qu’on nous appriſt lors que nous arriuaſmes à l’emboucheure de la riuiere, dequoy nous fuſmes ſi cõtents, qu’à l’heure meſme nous reſoluſmes auſſi-toſt que le