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Voyages Aduentureux

lent les maiſons où nous habitons, & ne reduiſent en cendre les champs de nos labeurs, comme ils ont accouſtumé de faire aux terres d’autruy. A quoy quelques-vns des leurs firent reſponſe, A Dieu ne plaiſe que cela ſoit, & encore que par malheur ils ſoient deſia chez nous, au moins faiſons en ſorte qu’ils ne puiſſent recognoiſtre que nous les redoutions comme nos ennemis : car ſi cela eſt, ils nous attaqueront auec plus d’aſſeurance. C’est pourquoy le meilleur eſt, qu’auec vn ioyeux ſemblant, & des paroles de courtoiſie, nous taſchions d’apprendre ce qu’ils pretendent de nous, afin que ſçachants d’eux la verité, nous l’eſcriuions incontinent à Hoyaa Paquir, à Congrau où il eſt à preſent. Antonio de Faria feignant de ne les entendre, encore que ce qu’ils diſoient, luy fut redit par vn interprete, les receut honneſtement, & achepta d’eux les rafraiſchiſſements qu’ils apportoient, qu’il leur fit payer comme ils deſiroient. Dequoy ils ſe tinrent pour grandement ſatisfaits, & eux luy demandans d’où il eſtoit, & ce qu’il vouloit, il leur fit reſponſe qu’il eſtoit du Royaume de Siam, de la contrée des eſtrangers de Tanauçarim, & que comme marchand qu’il eſtoit, il alloit en l’Iſle de Lequios pour trafiquer, & qu’il n’eſtoit venu en ce lieu que pour ſçauoir des nouuelles d’vn ſien amy nommé Coia Acem, qui s’y en alloit auſſi, ſur quoy il s’enquiſt d’eux s’il eſtoit encore paſſé, ou non ; qu’au reſte il s’en vouloit aller promptement, tant pour ne perdre temps, qu’à cauſe qu’il recognoiſſoit qu’il ne pouuoit en ce lieu vẽdre ce qu’il auoit de marchandiſe. Ils luy reſpondirent à cela, Vous dites vray, car en ce village il n’y a autre choſe que des filets & des bateaux de peſcheurs, auec leſquels nous gaignons noſtre vie aſſez pauurement. Toutesfois, adiouſterent-ils, ſi tu allois à mont la riuiere iuſqu’en la ville de Pilaucacem, où eſt le Roy, tu vendrois non ſeulement la marchandiſe qui eſt dans tes vaiſſeaux, pour riche qu’elle puiſſe eſtre, mais encore plus que n’en ſçauroient porter dix autres Nauires ſemblables aux tiens pource qu’en ce lieu il y a des marchands ſi riches, & qui font ſi gros trafic, qu’ils ne vont en traitte que par troupes d’Elephans, bœufs, & chameaux, qu’ils enuoyent