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Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/159

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de Fernand Mendez Pinto.

Corſaire Coia Acem qu’il cherchoit, & arriuant à l’eſcueil de Pullo Capas, qui fut la premiere choſe que nous viſmes en cette Iſle, il ne fit autre choſe que ſe ranger pres de terre, pour recognoiſtre les ports & les riuieres de cette coſte, & voir les entrées qu’elle auoit. Si toſt qu’il fut nuict, à cauſe que la Lorche dans laquelle il eſtoit venu de Patane, faiſoit force eau, il commanda à tous ſes ſoldats qu’ils ſe tranſportaſſent en vn autre meilleur vaiſſeau, ce qui fut fait incontinent, & arriuant en vne riuiere que nous découuriſmes ſur le ſoir vers l’Eſt, il y donna fonds vne lieuë en mer, à cauſe que le Iunco dans lequel il eſtoit ſe treuuoit fort grand, & demandoit beaucoup de fonds, puis craignant les bancs qu’il auoit veus toute cette iournée, il enuoya de ce lieu Chriſtouan Borralho, auec 14. ſoldats dans la Lorche à mont la riuiere, pour recognoiſtre quels eſtoiẽt les feux qu’il voyoit. Il partit doncques incontinent, & eſtant déia plus d’vne lieuë auant dans la riuiere, il fit rencontre d’vne flotte de 40. Iuncos fort grands, portans deux ou trois hunnes chacun. Alors craignant que ce fût l’armée du Mandarin, dequoy nous auions ouy parler, il ancra pres de terre, & s’éloigna vn peu d’eux : c’eſtoit enuiron la minuict, & la marée commençoit ſon cours ordinaire, ce que Borralho voyant & ſe voulant ſeruir d’icelle, il leua fort doucement & ſans bruit les anchres, puis paſſa outre, s’écartant des Iuncos pour aller du coſté où il auoit veu les feux, la pluſpart deſquels eſtoient deſia eſteints, & n’en eſtoit reſté que deux ou trois, que par fois l’on voyoit difficilement reluire, & qui luy ſeruoient de guide. Ainſi continuant sa route auec prudence il arriua en vn lieu où ſe voyoit vne quantité de Nauires grands & petits, ſi bien que ſelon l’aduis de pluſieurs il y auoit plus de deux mille voiles. Paſſant donc parmy eux à la ſourdine, il arriua en ce lieu peuplé de plus de dix mille meſnages, clos d’vne forte muraille faite de brique, auec des tours & des bouleuarts à noſtre mode, & de corridors pleins d’eau. En ce lieu des 14. ſoldats qui eſtoient dans la Lorche, il y en eut cinq qui mirent pied à terre, auec deux Chinois, de ceux qui s’eſtoient ſauuez du Iunco de Similau, qui nous laiſſerent