Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
151
de Fernand Mendez Pinto.

valent ſix cent mille ducats, moyennant laquelle ſomme il s’obligea de le defendre à l’encontre de ſes ennemis, lors qu’il en auroit beſoin : cet accord dura entre eux l’eſpace de treize ans, pendant leſquels le Roy de Cauchenchina fut cinq fois desfait en champ de bataille, & ce Hoyha Paguarol venant à mourir ſans heritiers, pour les bons offices que durant ſa vie il auoit receus du Roy de la Chine, il le déclara par ſon teſtament ſon ſucceſſeur & legitime heritier : c’eſt pourquoy iuſques à maintenant, c’eſt à dire depuis deux cent trente-cinq années, cette Iſle d’Ainan eſt demeurée annexée au ſceptre du grand Chinois, & touchant le ſurplus que vous m’auez demandé pour ce qui eſt des threſors, des reuenus, & des peuples de cette Iſle, ie n’en ſçay autre chose que ce que i’en ay appris de quelques anciens, qui comme i’ay dit, l’ont autresfois gouuernée en qualité de Teutons & de Chaems, & il me ſouuient qu’ils diſoient que tout ſon reuenu, tant de mines d’argent, doüanes, que ports de mer, eſtoit de deux millions & demy de Taeis par an, & luy voyant que le Capitaine s’eſtonnoit d’oüyr parler d’vne richeſſe ſi grande, continuant ſon diſcours : Vrayement, Meſſieurs, ſi vous faites cas, dit-il en riant, du peu que ie viens de dire, ie ne ſçay que vous feriez ſi vous voyez la grande ville de Pequin, où eſt touſiours auec ſa Cour le fils du Soleil (nom qu’ils donnerent à leur Roy) où l’on reçoit les reuenus de trente-deux Royaumes, qui dépendent de cette Monarchie, & où l’on tient que de quatre-vingt ſix mines d’or & d’argent, il ſe tire plus de quinze mille Picos, peſant en tout vingt-mille quintaux de noſtre poids François. Apres qu’Antonio de Faria l’euſt remercié de ce qu’il luy auoit reſpondu ſi à propos à ſes demandes, il le pria de luy dire en quel port aſſeuré il luy conſeilloit d’aller vendre ſa marchandiſe, & où il y euſt plus de gens de bien, puis que la ſaiſon n’eſtoit propre pour aller en Liampoo. A quoy il fit reſponſe que nous n’euſſions à aller en aucun port de ce pays, ny nous fier en aucun Chinois d’iceluy : car ie vous aſſeure, dit-il, qu’il n’y en a pas vn qui garde la verité en aucune choſe qu’il vous puiſſe dire, & fiez vous en à moy ; car ie ſuis fort riche, & ne vous mentiray