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de Fernand Mendez Pinto.

que l’õ les faiſoit ſur des riuieres, que c’eſtoit auec des petits vaiſſeaux de rames, & non auec des Nauires ſi grands que les ſiens, par ce qu’il n’y auoit pas aſſez de fonds pour iceux, & s’enquerant d’eux ſi le Prechau eſtoit proche de-là, ils firent reſponſe qu’il n’en eſtoit eloigné que de douze iournées de chemin, en la ville de Quangepaaru, où la pluſpart du temps il reſidoit auec ſon train, gouuernant ſon Royaume en paix & Iuſtice, & que les mines des metaux reſeruez à ſa Couronne, luy rendoient de rente tous les ans quinze mille Picos d’argent, chacun deſquels peſe cinq quintaux, dont la moitié par la Loy Diuine, inuiolablement gardee en ſes païs, eſtoit pour les pauures qui cultiuoient la terre, pour ſubſtenter leur famille. Mais que par l’aduis & conſentement de tous ces peuples, on luy auoit liberalement quitté ce droict, à condition que de là en auant il n’euſt à les contraindre à payer tribut, ny choſe aucune qui les pût intereſſer, & que pour cela les anciens Prechaus, qui ſont les Empereurs, auoient proteſté de l’accomplir, autant de temps que le Soleil donneroit lumiere à la terre. Antonio de Faria voyant le chemin ouuert par lequel il pourroit ſçauoir ce qu’il deſiroit, leur demanda quelle creance ils auoient de ce qu’ils voyoient de nuict vers le Ciel, & de iour en la legereté du Soleil, duquel ils auoient tant de fois parlé. A quoy ils firent reſponce qu’ils tenoiẽt la vraye verité de toutes les veritez, & qu’ils croyoient qu’il n’y auoit qu’vn seul Dieu Tout puiſſant, lequel tout ainſi qu’il auoit tout creé, il conſeruoit tout ; mais que ſi noſtre entendement par fois s’embarraſſoit dans le déſordre, & dans le diſcord de nos deſirs, ce n’eſtoit de la part du ſouuerain Createur, en qui ne ſe pouuoit treuuer aucune imperfection, mais que cela prouenoit ſeulement du pecheur, lequel pour eſtre impatient, iugeoit ſelon la mauuaiſe inclination de ſon cœur. Et leur demãdant ſi en leur Loy ils croyoiẽt que le grand Dieu qui gouuerne ce Tout fut venu en aucun temps au monde, reueſtu de forme humaine, ils dirent que non, par ce qu’il n’y pouuoit auoir choſe qui le pût obliger à vne ſi grande extremité, à cauſe que par l’excellence de la nature Diuine il eſtoit deliuré de nos miſeres, & fort eſloi-