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Voyages Aduentureux

gné des threſors de la terre, & que tout eſtoit choſe trop baſſe en la preſence de ſa ſplendeur. Par ces queſtions & autres ſemblables que leur fit Antonio de Faria, nous reconneuſmes que ces peuples-là n’auoient eu iuſques alors aucune connoiſſance de noſtre verité, autre que celle qu’ils confeſſoient de bouche, & que leurs yeux leur faiſoient voir en la peinture du Ciel, & en la beauté du iour, & que continuellement par leurs Combayes, qui ſont leurs prieres, ioignans les mains ils diſoient, Par tes œuures Seigneur, nous confeſſons ta grandeur. Apres cela Antonio de Faria les rendit libres, & les fit mettre à terre, leur ayant donné quelques preſens, de quoy ils furent fort contents. Le vent ayant commencé de ſe leuer auſſi-toſt, il fit voile auec vn extréme contentement, les hunes de tous ſes vaiſſeaux entourez de tentures de ſoye de diuerſes couleurs, leur bannieres, flammes, & gaillardets déployez, auec vn eſtendart de marchandiſe à la couſtume du pays, afin que ceux qui les verroient, les tinſſent pour Marchands, & non pour Corſaires ; & vne heure apres il anchra dãs le port, vis à vis du Quay de la ville, faiſant ſa ſalue auecque peu de bruict d’artillerie ; & incontinent de terre il vint à nous dix ou douze Almadies auec force rafraichiſſements. Toutesfois eux nous treuuans eſtrangers, & recõnoiſſans par nos habits que nous n’eſtions point Siames, ny Iaos, ny Malayos, n’y d’autres nations de celles qu’ils auoient deſia veuës, ils dirent les vns aux autres ; Plaiſe au Ciel qu’außi profitable nous puiſſe eſtre à tous l’agreable roſée de la fraiſche matinée, comme cette ſoirée nous ſemble belle par la preſence de ceux que nos yeux regardent. Alors vne de ces Almadies nous abordant, demanda congé de pouuoir entrer. A quoy fut reſpondu, qu’ils le pouuoient faire, à cauſe que nous eſtions tous leurs freres de neuf qu’ils eſtoient en cette Almadie, il en entra trois ſeulement dans noſtre Iunco. Antonio de Faria leur fit bonne reception, & les fit ſeoir ſur ſon tapis de Turquie, puis leur diſt, qu’il eſtoit Marchand du Royaume de Siam, & que venant en Marchandiſe pour aller en l’Iſle d’Ainan, l’on luy auoit dit qu’en cette Ville il pourroit mieux, & plus aſſeurément vendre ſa marchandiſe qu’en aucun autre endroict, à