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de Fernand Mendez Pinto.

tenant pour aſſeurée ; de crainte qu’ils eurent de laiſſer eſchapper vne ſi bonne occaſion que celle qui ſe preſentoit, pour s’en retourner en leur pays, s’embarquerent dans cinq grandes Barcaſſes auec quarante quaiſſes pleines de lingots d’argent, & force ſacs pour emporter le poivre ; & eſtans arriuez au Iunco où Antonio de Faria eſtoit, & où il auoit deſployé l’enſeigne de General, ils furent bien receus de luy, & ils luy repreſenterent de nouueau ce qu’ils auoient accordé auec le Nautarel de la ville, ſe plaignans grandement de ſon mauuais gouuernemẽt, & de quelques choſes hors de raiſon qu’il leur auoit faites ; mais que puis qu’ils l’auoient pacifié luy donnãt 15. pour cent, deſquels ils en vouloient payer cinq, ils le prioient de vouloir payer les dix qu’il auoit promis, & qu’autrement ils ne pouuoient achepter ſa marchandiſe. A quoy Antonio de Faria reſpondit, qu’il en eſtoit content, plus pour l’amour d’eux, que pour le profit qu’il en eſperoit ; dequoy tous le remercierent grandement, & par ainſi ils demeurerent d’accord auec paix & ſans bruit ; & alors ils firent telle diligence de deſcharger la marchandiſe, qu’en trois iours elle fut preſque peſée, & miſe entre les mains de ſes maiſtres. Les comptes furent donc arreſtez, & les lingots d’argent receus, le tout ſe montant à cent trente mille Taeis, à raiſon de trois liures quinze ſols le Taeis, comme i’ay deſia dit ailleurs. Et bien qu’on y procedaſt auec la diligence poſſible, cela n’empeſcha pas qu’auant que le tout fut acheué, les nouuelles ne vinſſent de ce que nous auions fait au Corſaire en la riuiere de Tanauquir, ce qui fut cauſe que les habitans ſe mutinerent de telle ſorte, que pas vn d’eux ne nous voulut plus aborder, comme ils faiſoient auparauant ; à cauſe dequoy Antonio de Faria fut contraint de faire voile en diligence.