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Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/188

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Voyages Aduentureux




De ce qui aduint à Antonio de Faria, iuſques à ce qu’il eut anchré à Madel, port de l’Iſle d’Ainan, où il rencontra vn Corſaire, & de ce qui ſe paſſa entr’eux.


Chapitre L.



Apres que nous euſmes quitté le port de la riuiere de Mutepinan, mettant la prouë du coſté du Nord, il ſembla à propos à Antonio de Faria de s’en aller gaigner la coſte de l’Iſle d’Ainan, pour chercher vne riuiere qu’on nomme Madel, en intention d’y faire accommoder le grand Iunco où il eſtoit, pource qu’il puiſoit beaucoup d’eau, ou s’en pourueoir d’vn autre meilleur en eſchange de quelque choſe que ce fuſt. Ainſi apres auoir nauigé par l’eſpace de douze iours, auec vn vent touſiours contraire, à la fin il arriua au Cap de Pullo Hinhor, qui eſt l’Iſle des Cocos. Là ne pouuant apprendre aucunes nouuelles du Corſaire qu’il cherchoit, il s’en retourna vers la coſte du Sud, où il fit quelques priſes fort bõnes & bien acquiſes ſelon ce que nous en croyons. Car l’intention de ce Capitaine ne fut iamais autre, que de rendre le change aux Corſaires qui auparauant auoient oſté la vie & les biens à pluſieurs Chreſtiens, qui frequentoient en cette coſte d’Ainan, leſquels Corſaires s’entendoient auec les Mandarins de ces ports, auſquels ils donnoient vn fort grand tribut, afin qu’il leur fut permis d’aller vendre à terre ce qu’ils voloient ſur la Mer. Mais comme des plus grands maux Dieu en tire ordinairement de grands biens, il permit par ſa diuine Iuſtice, que pour auoir raiſon du vol que Coia Acem nous auoit fait au port de Lugor, il prit enuie à Antonio de Faria de l’aller chercher. A quoy il ſe reſolut à Patane, pour le chaſtiment de quelques autres voleurs, qui auoient merité d’eſtre punis de la main des Portugais. Or ayant deſia durant quelques iours auec aſſez de trauail continué noſtre nauigation dans cette