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de Fernand Mendez Pinto.

leſquelles il y en auoit vne de batterie, qui tiroit des bales de fonte ; dequoy les ennemis demeurerent ſi fort eſtonnez, que toute la reſolution qu’ils peurent prẽdre pour lors, fut de laiſſer leurs anchres dãs la mer, pour n’auoir loiſir de les leuer, afin de laiſſer aller leur Iunco vers la coſte. Choſe qui ne leur reüſſit point ſelon leur deſir ; car Antonio de Faria n’euſt pas ſi toſt recogneu ce deſſein, qu’il leur gaigna le deuant, & les aborda auec toutes les forces des Iuncos & des Lanteaas qu’il auoit. A cette rencontre il ſe fit vn furieux chamaillis de coups d’eſpée par ceux qui vinrent à s’approcher & en ſuitte de cela des iauelots, des bards, & des pots remplis de poudre furent lancez de toutes parts. Par meſme moyen plus de cent mouſquetaires tirerent ſans diſcontinuer ; de ſorte que durant vne demie heure les forces ſe treuuerent ſi eſgales des deux coſtez, qu’on ne pouuoit diſcerner à qui eſtoit l’aduantage. Mais en fin, il pleuſt à Dieu de nous eſtre ſi fauorable, que les ennemis ſe ſentant laſſez, bleſſez & brûſlez, ſe ietterent tous dans la mer ; & ainſi les noſtres auec de grands cris d’allegreſſe, pourſuiuirent courageuſement vne ſi belle victoire. Antonio de Faria voyant que ces miſerables couloient tous à fonds, à cauſe que le courant de l’eau eſtoit ſi impitueux & ſi grand qu’il les faiſoit noyer, s’embarqua dans deux Ballons qu’il fit équipper, prenant quelques ſoldats auec luy. Puis le plus habilement qu’il peuſt, il ſauua ſeize hommes, qu’il ne voulut laiſſer mourir, pour l’extréme beſoin qu’il en auoit en la Chiourme de ſes Lanteaas, à cauſe qu’aux combats, qui s’eſtoient paſſez on luy auoit tué vne bonne partie de ſes gens.




De quelle façon le Corſaire Capitaine du Iunco, tomba vif entre les mains d’Antonio de Faria, & de ce qu’il fit auec luy.


Chapitre LI.



Antonio de Faria ayant gaigné cette victoire de la façon que ie viens de dire la premiere choſe qu’il fiſt, fuſt de faire panſer quelques-vns des ſiens qui eſtoient bleſſez, pour-