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de Fernand Mendez Pinto.

Apres que tous ceux de ſa ſuite ſe furent aſſis, Antonio de Faria ſe mit à diſcourir auec eux de quelques choſes plaiſantes, ſelon l’occaſion & le temps. Par meſme moyen il leur fiſt le recit de ſa perte & de ſon malheureux voyage, leur deſcouurant le deſſein qu’il auoit d’aller à Liampoo, pour s’y renforcer de gens, & ſe pourueoir de vaiſſeaux de rame, afin de s’en retourner derechef courir la coſte d’à mont, & paſſer dans l’enſe de Cauchenchine, pour aller gagner les mines de Quoanjaparu, où l’on luy auoit dit qu’il y auoit ſix fort grandes maiſons pleines de lingots d’argent, outre vne plus grande quantité qui ſe fondoit le long de la riuiere, & que ſans aucun peril chacun ſe pouuoit facilement enrichir. A quoy le Corſaire Panjan fiſt reſponſe, Pour moy, Monſieur le Capitaine, ie ne ſuis pas ſi riche comme beaucoup croyent ; mais il eſt vray que je l’ay eſté autresfois, battu des meſmes coups de fortune, que ceux dont tu viens de m’entretenir, leſquels m’ont rauy le meilleur de mes richeſſes ; c’eſt pourquoy ie crains de m’aller remettre dans Patane où i’ay femme & enfans, à cauſe que je ſuis certain que le Roy me prendra tout ce que i’y porteray ; parce que i’en ſuis party ſans permiſſion, & qu’il fera cette offense fort criminelle, afin de me voler comme autresfois il a fait d’autres pour des ſujets beaucoup moindres que celuy dont il me peut accuſer. C’eſt pourquoy ie t’aduiſe, que ſi tu es content que ie te tienne compagnie au voyage que tu veux faire, auecque cent hommes que j’ay dans mon Iunco, quinze piece d’artillerie, trente mouſquets, & quarante harquebuſes, que portent ces Meſſieurs les Portugais qui ſont auec moy, ie le feray tres-volontiers, à condition que de ce qui ſe gagnera tu m’en fera part du tiers, & de cela ie te prie de me donner vne aſſeurance eſcrite de ta main, & de me iurer par ta Loy d’accomplir entierement ta promeſſe. Antonio de Faria accepta cette offre de bonne volonté, & apres l’en auoir pluſieurs fois remercié de paroles pour ce ſujet, il luy jura ſur les ſaintes Euangiles de faire ce dont il l’auoit requis, ſans y man-