Aller au contenu

Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
203
de Fernand Mendez Pinto.

chaiſnes de fer pour accrocher les vaiſſeaux, & auſſi pluſieurs artifices de feu, que le profit qu’en tiroient les Chinois leur, faiſoit iournellement inuenter. Auec tout cét équipage nous partiſmes de ce lieu de Lailoo, nos hunes tenduës de ſoye, & tous nos vaiſſeaux garnis de deux rangs de pauois de chaque coſté, & des fauques de pouppe & prouë, outre vn autre rang de sẽblables fauques d’applique pour ſeruir au beſoin. Ayant donc auſſi fait voile, trois iours apres noſtre partement il pleuſt à Dieu que nous arriuaſmes aux peſcheries où Coja Acem auoit pris le Iunco des Portugais ; là ſi toſt qu’il fut nuict, Antonio de Faria enuoya des eſpions ſur la riuiere, pour ſçauoir l’endroit où il pouuoit eſtre, leſquels prirent & ramenerent vn Paraoo de peſcheurs, où il y auoit ſix hommes natifs du païs, qui nous donnerent aduis que ce Corſaire eſtoit à deux lieuës de là en vne riuiere nommée Tinlau, & qu’il y faiſoit raccommoder le Iunco qu’il auoit pris aux Portugais, pour dans iceluy auecque deux autres qu’il auoit s’en allerent à Siam, d’où il eſtoit natif, & qu’il deuoit partir dans deux iours. Cette nouuelle fit qu’Antonio de Faria prit conseil de quelques-vns des ſiens, qui pour cét effet furent appellez, où il fut reſolu que premierement il falloit viſiter & connoiſtre les lieux & la force de noſtre ennemy, parce qu’en vne choſe où l’on ſe deuoit tant hazarder, il ne falloit point attaquer à taſtons, mais y bien penſer auparauant, & que ſur la certitude de ce que l’on verroit, l’on reſoudroit par apres, ſelon ce qui ſembleroit bon à tous. Alors faiſant ſortir du Paraoo les peſcheurs qui y eſtoient, il mit en iceluy des Mariniers, qu’il prit du Iunco de Quiay Panjan, pour l’équipper de gens, & le luy enuoya ſeulement auec deux de ſes peſcheurs que l’on auoit pris, & faiſant demeurer les autres auec luy pour oſtage, en donna la charge à vn vaillant ſoldat nommé Vincent Moroſa, veſtu à la Chinoiſe, craignant d’eſtre reconneu ; lequel arriué au lieu où eſtoient les ennemis, fit feinte de peſcher comme d’autres faiſoient, & par ainſi il vit & eſpia tout ce qui eſtoit de beſoin ; puis eſtant de retour il fit ſon rapport de ce qu’il auoit veu, & aſſeura que les ennemis eſtoient tellement foibles, que lors qu’on les aborderoit